Cap au large

À la découverte des pays baltes

01 septembre 2018

L’association ET SI est partie au printemps dernier dans les pays baltes, à la découverte des juifs hassidiques, en hébeu pieux, intègres, justes et généreux.

On considère souvent que ces trois pays forment un tout ; rien n’est plus faux. Ces pays se distinguent par leur peuplement, par leur langue – l’estonien se rattache à la famille finno-ougrienne alors que le letton et le lituanien sont des langues très archaïques proches de l’indo-européen originel –, par le paysage religieux qui est lui aussi très contrasté.

Une chaîne humaine

Nous commençons par Vilnius, la capitale actuelle de la Lituanie, fondée au XIIIe siècle, au confluent de la Neris et de la Vilnia. Dès cette époque Vilnius devint un important centre de commerce en rapport avec la ligue hanséatique. Vilnius a deux visages, la vieille ville et la ville tout à fait moderne avec ses buildings en verre.
Nous entrons dans la ville médiévale par la Porte de l’Aurore ouverte dans les remparts qui protégeaient la ville.

   
Sculpture de "pas au sol " à Vilnius
© Daniel Bonami

La Porte de l’Aurore, par laquelle Napoléon Bonaparte est rentré dans la ville en 1812, est surtout connue par sa chapelle de la Vierge Noire.
Devant la cathédrale, la guide nous fait remarquer la « sculpture » de pas au sol ; celle-ci commémore la chaîne humaine, appelée voie balte qui a eu lieu le 23 août 1989, où près de deux millions de Lituaniens, d’Estoniens et de Lettons (soit un quart de leur population totale) se sont tenu la main et ont lié leurs trois pays sur près de 650 km au total en passant par leurs capitales respectives : de la tour de Gediminas à Vilnius en passant par Riga jusqu’à la tour de Toompea à Tallinn. La date choisie n’était pas anodine puisque 50 ans auparavant, avait été signé le traité germano-soviétique laissant les trois pays sous domination soviétique. La voie balte a donné une impulsion déterminante à la future indépendance de ces pays, indépendance acquise en 1991. On pense alors à Romain Gary, juif lituanien devenu ambassadeur, résistant et immense écrivain français né à Vilnius.

Le château de Trakai © Daniel Bonami
  Puis direction Trakai, l’ancienne capitale de la Lituanie médiévale d’où émerge un magnifique château de briques rouges au milieu d’un lac. C’est un château de conte de fées avec ses ponts de bois, son pont levis et sa cour intérieure. Nous avons alors déjeuné dans une auberge tenue par les descendants des Caraité, minorité ethnique et religieuse de Lituanie, d’origine turque. Cela a été la seule journée pluvieuse du voyage !

 

Les cuves de l’horreur

Le périple prend alors la direction de la forêt de pins, de chênes somptueux de Panériai qui recèle les horreurs de la guerre de 39-45 ; dès juillet 1941 les nazis ont fusillé plus de 70 000 juifs, des Russes, des intellectuels polonais, des ecclésiastiques, des résistants et même des Français ; ils les ont entassés dans les dix cuves de 6 mètres de profondeur et 35 mètres de diamètre que l’armée soviétique avait creusées pour y stocker du carburant.

Et pour cacher leurs crimes, à la fin de la guerre, ils ont déterré et brûlé les cadavres. On estime que ces cuves ont pu contenir 100 000 cadavres. Seulement 5 % des juifs de Lituanie ont survécu à cet holocauste. L’atmosphère si paisible de ce lieu de mémoire nous a perturbés et nous avons eu un moment de prière et de silence sur place ; dans le car l’atmosphère était plus grave et a donné encore plus de sens à notre groupe œcuménique.

 
Mémorial de Paneriai
© Daniel Bonami

Nous allons ensuite à Kaunas, ville universitaire, située au confluant du Niémen et de la Neris. Cette ville est fière de l’époque quand, entre les deux guerres mondiales, elle était capitale du pays. Elle possède encore l’ancien palais présidentiel et un château médiéval. Pour nous Français, c’est aussi la ville d’Emmanuel Lévinas, philosophe ayant enseigné dans différentes villes de notre pays dont Poitiers puis Nanterre.
Klaipeda qui n’a rien d’extraordinaire si ce n’est le bac vers l’isthme de la Courlande, immense bande de sable de 98 km de long s’étendant entre la mer Baltique et la côte occidentale de la Lituanie, parc national classé à l’Unesco. Ses origines oscillent entre légendes de sorcières et approche scientifique, mais c’est un site unique avec ses dunes et plages de sable fin à l’infini. Ce cordon de dunes entre deux eaux est également un lieu habité, les principales stations balnéaires du pays s’y égrainent, Juodkranté, Preila, Nida.
Et la colline des croix ? C’est une colline fortifiée au Moyen Âge, objet de pèlerinage aujourd’hui ; l’histoire se confond avec la résistance du peuple lituanien face à l’occupant : la colline fut maintes fois rasée et interdite d’accès, les croix brûlées ou fondues mais toujours, à la faveur de la nuit, les croix réapparurent. Nous n’en dirons pas plus.

Un village d’enfants

Petit à petit nous sommes arrivés en Lettonie. 

Maison des Têtes noires à Riga © Daniel Bonami
  Et avant d’atteindre Riga nous avons visité le Palais de Rundale, palais baroque du XVIIIe siècle, chef d’œuvre architectural construit par l’architecte italien Francesco Bartolomeo Rastrelli, auteur du Palais d’hiver à Saint-Petersbourg.
Enfin Riga, ville de l’Art nouveau dont l’architecte principal est Mikhail Eisenstein (père du cinéaste américain), puis le Dôme, la Maison des Têtes noires, le monument de la Liberté, le pont d’Octobre, les églises, le château, les ruelles? Trop de beauté mais pas assez de temps pour nous rendre au musée ethnographique.

En route pour le dernier des pays baltes en passant par Sigulda, vieille ville réputée pour ses châteaux datant des croisades et des chevaliers teutoniques, puis Césis, mais la vieille ville a malheureusement été occultée (manque de temps encore) pour pouvoir visiter l’église luthérienne baroque Sainte-Élisabeth, construite en l’honneur de la tsarine en 1740 ; visite commentée par un membre de cette Église.
Enfin Tallinn ! Divisée en ville haute sur la colline de Toompea et ville basse médiévale classées à l’Unesco. Capitale de l’Estonie, située sur le golfe de Finlande à une heure en ferry d’Helsinki. Ville magique entre rues pavées, remparts, belles demeures hanséatiques et résidences aristocratiques et où les transports publics sont gratuits !
Que retenir ? Sûrement la beauté des forêts, les dunes de sables blancs, les édifices baroques mais aussi l’entretien avec Sandra, responsable de l’orphelinat situé à 200 km de Riga. Cap Espérance, ONG française, a créé un village d’enfants en Lettonie, il y a plus de 20 ans. Aujourd’hui, il est considéré comme un établissement modèle dans le domaine de l’aide à l’enfance en difficulté. Mais il a besoin de notre aide financière pour continuer à subvenir aux besoins de ces enfants dont la plupart reprennent goût à la vie. Ainsi que le poème de Adam Mickiewicz (polonais d’origine lituanienne enterré en France, à Montmorency, avant d’être transféré à Cracovie) : Ô ma Lituanie ! Ainsi que la santé / Seul qui te perd connaît ton prix et ta beauté./ Je vois et vais décrire aujourd’hui tous tes charmes, / Ma patrie ! et chanter mes regrets et mes larmes.
Si notre voyage nous a permis de belles et parfois sombres découvertes ainsi que de belles rencontres, ces trois pays méritent que nous nous y intéressions car leur histoire est particulière avec la domination par des puissances étrangères, principalement la Russie ; et nous sentons qu’ils ont vraiment envie de se moderniser, d’avancer avec l’Europe malgré les difficultés qu’ils ont rencontrées et qu’ils rencontrent encore pour changer de mode d’économie.

Michèle Muairon

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