Accueillir

01 juin 2017

Je me souviens des histoires de mon grand-père, propriétaire d’une ferme dans le Pays de Bray. À cette époque, ce n’est pas si éloigné, la force principale était celle des hommes et des animaux. L’époque des récoltes et moissons s’étirait de juin jusqu’à octobre, avec de nombreux ouvriers agricoles qui traversaient la France en suivant le mûrissement des céréales ou des fruits. Il n’était donc pas rare de rencontrer des personnes sur les routes, de leur faire une place dans la grange, en prenant bien soin de confisquer leur briquet. De là aussi, la tradition de mettre une assiette de plus à table, à tous les repas. Si l’accueil premier était inconditionnel, pour rester ensuite il fallait travailler. Des champs à défricher, un tas de bois à ranger, des réparations de clôtures, en dehors des moissons, le travail ne manquait pas. De là pouvait surgir la rencontre entre des univers, des informations d’autres régions que les médias ou les vacances ne permettaient pas de connaître. L’accueillant s’enrichissait autant de l’apport de l’accueilli.

Aujourd’hui, l’information passe par d’autres canaux. Les saisonniers existent toujours, pour les vendanges par exemple, mais la quantité de travail a considérablement diminué et ils n’assurent que rarement le lien entre les territoires. Qu’on pense aux mariages célébrés au XVIIe siècle entre huguenots de Brie et de Lemé, simplement parce que les récoltes finies les garçons remontaient vers le nord pour aider dans les autres fermes.

En un siècle, l’accueil a changé de visage ou de nécessité. Il se réinvente au gré des failles de séparation de notre nouvelle société : les générations, les migrations… Chaque fois que dans la rencontre accueillant et accueilli découvrent le visage d’une sœur ou d’un frère, et qu’ils prennent tous les deux le nom d’« hôte ».

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