Cap au large

Au pays de Luther et Katharina

01 octobre 2017

Parties « sur les traces de Luther », avec un groupe de paroissiens de l’Église protestante unie de la rue Madame, Saskia Lindner et Claudie de Turckheim de l’Église locale de St-Jean-d’Angély ont découvert une partie de l’Allemagne (ex-RDA, République démocratique allemande), à travers les lieux fréquentés par Martin Luther et ses compagnons de route : son épouse, Katharina von Bora, ses amis Philip Melanchthon et Lucas Cranach.

Les lieux de vie du Réformateur

Depuis la chute du mur, l’ex-RDA a changé. Les autoroutes sont neuves, les maisons sont repeintes avec de jolies couleurs. Les maisons baroques sont restaurées « à l’ancienne ». Les églises luthériennes, de taille impressionnante pour nous protestants réformés, n’ont apparemment pas souffert du régime communiste. En campagne, des champs cultivés à perte de vue, témoignent des regroupements de production à la soviétique. 

Nous avons visité un certain nombre de lieux fréquentés par le Réformateur à un moment de sa vie. Dans chaque ville, un musée dédié à sa naissance, son enfance, sa vie, sa mort... : le tourisme commence à se développer.

Là où tout a basculé

Eisleben est la ville de son enfance et celle de sa mort, une ville où l’on exploitait des mines de cuivre ; le père de Luther, Hans Luder, y était contremaître ; le musée présente l’histoire de la famille de Luther et la vie économique au XVIe siècle.
Erfurt était une grande ville universitaire. Aujourd’hui, la charmante ville est le témoin des siècles passés, avec des maisons bourgeoises datant de cette époque, des bâtiments aux façades baroques et d’autres de style néo-gothique. La visite du monastère des moines Augustins et de l’église Saint-Séveri, où Luther fut ordonné prêtre, nous suggère que c’est bien là que tout a basculé.

  
Le couvent des Augustins à Erfurt © Claudie de Turckheim

Au-dessus d’Eisenach, le château de la Wartburg se dresse, majestueux, sur les hauteurs du bourg et nous nous souvenons de cette année 1521 où, placé au ban de l’Empire, Luther s’est caché sous le nom du chevalier Georges. Imaginons le chevalier Georges dévaler les sentiers pour aller interroger les villageois sur la façon de dire telle ou telle expression afin d’enrichir sa traduction du Nouveau Testament en allemand courant...

Wittenberg, la ville de Luther

La Lutherstadt (ville de Luther), c’est Wittenberg. C’est là qu’il a enseigné, qu’il a diffusé ses 95 thèses, qu’il s’est marié, qu’il a vécu avec sa femme et ses enfants, qu’il a accueilli de nombreuses personnes en rupture d’Église : moines, universitaires... Là, dans ce cloître noir, devenu le plus grand musée consacré à Luther. Les maisons de Luther, de Melanchthon et de Cranach sont toutes proches, quelques minutes à pied.
Melanchthon est certainement le réformateur le moins connu des Français et pourtant il a largement contribué à la Réforme. C’était un homme réfléchi, discret, n’aimant pas le scandale. Il entretenait des relations avec les grands humanistes de l’époque, dont Erasme. Il rédigera la Confession d’Augsbourg.
Lucas Cranach, peintre reconnu et apprécié des princes allemands est maire de Wittenberg. Il possède une imprimerie et une officine d’apothicaire. Nous avons été particulièrement sensibles aux tableaux de Cranach qui ornent les églises de Wittenberg et de Weimar.
La Schloss Kirche où Luther afficha ses 95 thèses pour protester contre le commerce des indulgences, symbolise l’origine de la Réforme protestante et du protestantisme en Allemagne puis dans le monde. Son tombeau est recouvert d’une plaque de bronze, intact malgré la destruction d’une bonne partie de l’église au XVIIIe siècle.

Claudie de Turckheim

Son épouse, Katharina von Bora

Placée au couvent dès l’âge de neuf ans, il est certain que Katharina von Bora a eu accès aux écrits de Martin Luther pendant ses années de réclusion.

 

Katharina von Bora © Claudie de Turckheim
    

En 1522, elle et quelques-unes de ses consœurs décident de quitter le couvent. Katharina écrit à Martin Luther qui va organiser la fuite des nonnes. C’est la première anecdote qui nous est parvenue : un marchand, ami de Luther et fournisseur du couvent, se cache dans les environs et dans la nuit de Pâques 1522, les neufs nonnes s’échappent, se cachent parmi les barriques de poisson vides. Il les amène vers la liberté.

Une véritable chef d’entreprise

Katharina von Bora est accueillie dans la maison du peintre Cranach mais elle refuse les éventuels époux que Luther lui propose : si elle se marie elle veut pouvoir choisir et pourquoi pas le Doctorus Luther lui-même ? Elle le pense et le lui fait dire ! Luther, bien qu’il dise que pour plaire à Dieu il faut se marier et élever des enfants et que cela vaut mieux que de prier seul dans un couvent, n’y a jamais pensé pour lui-même.
Finalement l’inimaginable, l’incroyable, qui met le Saint Empire sens dessus dessous, se produit : le moine et la nonne se marient le 13 juin 1525, et ainsi Katharina entre dans l’histoire. Luther, qui n’a que très peu de revenus, continue d’habiter l’ancien monastère.
Au fil des ans ils auront six enfants et Katharina sera à la tête d’une vraie entreprise, elle aura à pourvoir aux besoins d’une soixantaine de personnes : pour s’assurer des revenus elle accueille des pensionnaires, les étudiants de Luther, le personnel de la maison, le précepteur de leurs enfants, des visiteurs qui sont de passage pour quelques jours, des mois ou qui restent tout simplement.

 Ils accueillent des orphelins, d’anciennes moniales ou moines, des prédicateurs sans paroisse, mais aussi des réfugiés français ou des gens âgés qui ne savent où aller. Tout ce monde est nourri au moyen du grand potager et d’une vraie ferme que Katharina a créés.

Une maîtresse-femme

Luther s’accommode de tout et dit : Pour ce qui concerne la maison, j’obéis à Katharina, pour le reste c’est le Saint-Esprit qui me régit. Quant à Katharina, elle écrit dans une des rares lettres qui nous soit parvenue : Pour tout faire, je me lève à 4 heures et devrais me démultiplier par sept pour être en même temps en sept endroits différents pour y faire sept choses différentes : je travaille dans les champs, je suis fermière, cuisinière, vachère, jardinière, vigneronne et dame de charité pour tous les mendiants de Wittenberg, mais je suis aussi la Doctoressa qui doit être digne de son illustre époux et doit pouvoir recevoir un grand nombre d’invités avec un salaire annuel de 200 florins !

 

Elle perdra deux de ses enfants et le 18 février 1546, Luther décède au cours d’un voyage. Il avait tout prévu et laissait un testament pour la mettre à l’abri. Mais on lui mit toutes sortes de bâtons dans les roues, on lui demanda même de mettre ses fils en pension, de quitter le monastère noir de Wittenberg et de se trouver une petite maison. Or non seulement elle resta dans la maison dont Luther disait ma Katharina fait de cette bâtisse pourrie un paradis sur cette terre sombre, mais elle accueille encore plus de pensionnaires pour s’assurer des revenus. Melanchthon, qui pourtant l’aida, dira d’elle cette femme n’en fait qu’à sa tête et doit toujours avoir raison !

Katharina aura partagé la vie de Luther pendant vingt-et-un ans, mais nous n’avons que très peu de témoignages directs, toutes les lettres de Luther, dont celles qu’il lui a adressées lors de ses nombreux voyages, ont été pieusement conservées, mais très peu des siennes nous sont parvenues et qui n’aimerait pas connaître les réponses de Katharina aux propos de table de Luther ? 

 
Le château de la Wartburg © Claudie de Turckheim

Saskia Lindner

 
 
 
 

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