Histoire de nos cantiques

C’est un rempart  (AEC 543 ALL 37/01)

05 mars 2018

Comme n’importe quel texte littéraire, nos cantiques ont une histoire, un auteur, un contexte particulier. Souvent méconnu, d’ailleurs. Cette chronique souhaite rappeler cette histoire et attirer l’attention sur ce que nous chantons dimanche après dimanche. Ce mois-ci, « le cantique de Luther » : C’est un rempart (Ein feste Burg).

Martin Luther était théologien, bibliste, prédicateur. Il était aussi musicien et « compositeur ». Ses créations sont modestes comparées à celles de musiciens professionnels, mais il savait lire la musique, l’écrire et surtout ajuster la mélodie pour mettre en valeur chaque syllabe du texte, donc du message évangélique. Le « cantique de Luther » est mondialement connu. Au point qu’on a pu entendre plus de 20 versions, variations ou traductions de ce chant lors d’une série d’émissions sur France Musique (Arabesque du 20 au 25/11/2017). Le texte et la musique sont composés par Luther entre 1525 et 1529. Il est possible qu’il ait sollicité l’aide de son maître de chapelle, Johann Walter, sur la partie musicale. Ce cantique, publié dès 1529 dans un recueil de chants d’assemblée, témoigne de l’intérêt de Luther pour l’édition musicale. Il avait compris l’enjeu pour l’évangélisation d’une large diffusion de cantiques soigneusement composés et édités : « Les imprimeurs ont bien raison d’imprimer avec soin de bons cantiques et de les rendre agréables aux gens […] pour qu’ils soient stimulés à cette joie de la foi et prennent plaisir à chanter » (Pléiade, Tome 2, p. 818).

Puissant Sauveur

Même lorsqu’il composait, Luther restait un pasteur au service de la prédication de l’Évangile. Comment cela est-il rendu dans la version française du cantique ? Elle date de 1845 et nous la devons à Ascan-Henri Lutteroth : poète, historien, exégète et surtout journaliste et éditeur de presse. Ce franco-allemand issu d’une ancienne famille réformée par sa mère, luthérienne par son père (il y a des Lutteroth dans l’entourage de Luther !) est le traducteur ad hoc pour ce chant célèbre. Si l’on met en regard le texte de Luther (ci-dessous) et sa traduction française dans nos recueils de chants (AEC 543 ou ALL 37/01) on ne peut qu’être admiratifs du travail de Lutteroth. Il a su reproduire le rythme et le phrasé du chant allemand tout en restant très proche du sens original. Pourtant, le chant devient forcément « autre ».  Il prend la liberté de s’adresser directement à Dieu dans la dernière strophe. Il nomme l’Église, absente du texte original, mais pas Jésus-Christ se contentant de « puissant Sauveur »… Quelles que soient les variantes nécessitées par l’adaptation française, celle-ci reste parfaitement réussie du point de vue musical sans rien enlever au message voulu par Martin Luther pour son chant : « Psaume de gloire consacré à l’aide puissante et la protection victorieuse de Dieu, qu’il prouve à tous ceux qui se fient entièrement à lui et qui se tiennent à sa Parole, contre toute la puissance et la fureur du monde enragé » (James Lyon Olivetan, p. 373).

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C’est une solide forteresse que notre Dieu

1) C’est une solide forteresse que notre Dieu

un bon rempart et une bonne arme.

Il nous délivre de toute détresse

qui maintenant nous assaille.

Le vieil ennemi malin

est à présent déterminé

une grande puissance et des ruses nombreuses

tel est son épouvantable armement.

 

2) Par nos propres forces rien n’est possible

notre perte est imminente

L’homme véritable lutte pour nous

celui que Dieu a lui-même choisi

« Qui est-ce ? » demandes-tu

Son nom est Seigneur Jésus-Christ,

Le Seigneur Sabaoth,

et il n’est pas d’autre Dieu que lui.

Il doit rester maître du terrain.

 

3) Quand bien même l’univers serait rempli de démons prêts à nous dévorer

nous n’éprouvons guère de crainte

car nous réussirons à vaincre.

Si féroce qu’il apparaisse

le prince de ce monde

ne peut rien nous faire

l’arrêt est rendu contre lui.

Un simple mot suffit à l’abattre.

 

4) Ils doivent laisser telle quelle la Parole

qu’ils le veuillent ou non.

Il se tient en lice vraiment à nos côtés

avec son Esprit et ses dons.

Qu’il nous prenne vie,

bien honneur, enfants et femmes

laisse tout cela s’en aller

ils n’en tireront aucun profit

Le royaume nous restera.

 

Martin Luther, Œuvres, Tome 2, Paris, La Pléiade, 2017, p. 775.

Emmanuel Mourier,
Pasteur de la Montagne du Tarn.

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