Aumônerie des prisons

Gamins en prison

01 janvier 2018

 

Savez-vous comment faire disparaître des enfants ? Ou bien escamoter des adolescents ? Ou encore faire passer à la trappe des mineurs réfugiés économiques ? Questions étranges et incongrues ! Vous ne voyez pas ? Vous êtes sans réponses. Les juges non ! Ils ont trouvé une solution : ils les mettent en prison !

Ils ont volé pour survivre

Il y a quelque temps, j’ai rencontré des jeunes albanais, égyptiens et algériens de 14 à 17 ans. Ils sont incarcérés à l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Marseille. Leurs histoires individuelles se ressemblent toutes ; ils vivaient mal dans un pays où ils ne voyaient aucun avenir pour eux. Attirés par le miroir aux alouettes que représente l’Europe, ils sont partis seuls à l’aventure. Pas de parents ou amis pour les accompagner. Ils ont trouvé le courage de tout laisser derrière eux, leur milieu familial, leur culture, leurs habitudes. La plupart ont risqué leur vie en s’embarquant sur des bateaux de fortune pour rejoindre l’Europe. Arrivés en France par l’Italie, ils se sont retrouvés complètement démunis, sans logement, sans nourriture et sans vêtements de rechange. Personne ne les a accueillis ! Alors pour survivre, ils ont commis un vol et comme ils n’ont pas l’habitude, quand ils se sont fait prendre, ils ont été violents ; c’est ce qui les a conduits en prison.

En danger en prison
Je les rencontrais, avec mon ami aumônier régional musulman des prisons, dans le cadre d’un groupe de parole interreligieux. Certains ne parlent que des bribes de français, les autres sont plus à l’aise pour s’exprimer. Après quelques minutes de discussion, je constate qu’ils ne se comportent pas du tout comme d’autres mineurs incarcérés qui viennent des quartiers nord de Marseille ou de Toulon. Ils veulent rester en France, apprendre le français, un métier et en vivre honnêtement en travaillant.
Alors pourquoi les mettre en prison ? C’est un lieu totalement inadapté ; la vie en détention est très dure, ils ne sont pas libres de leurs mouvements, ils n’ont aucune autonomie, ils subissent les violences d’autres détenus mineurs ; il est possible qu’ils soient sollicités pour entrer dans des projets de délits ou de crimes. Comment grandir dans ces conditions ?

Une situation intolérable
Il faudrait les accueillir dans une structure spécialisée pour leur transmettre notre langue et notre culture puisque c’est ce qu’ils veulent. Notre société a préféré les oublier, les cacher. Qu’est devenue la France, terre d’accueil et de liberté ? C’est plus facile de les enfermer que de leur offrir de quoi se nourrir, se loger, se soigner, se cultiver et se former à un métier.
Il est vrai qu’ils ne perdent pas complètement leur temps ; ils sont très bien nourris et soignés ; ils se « retapent » physiquement. Ils apprennent le français avec des professeurs de l’éducation nationale et suivent quelques autres cours.
Ils ont eu faim et soif pendant leur émigration, ils sont maintenant étrangers en France, ils manquaient de vêtements et la plupart étaient malades avant leur incarcération et maintenant ils sont en prison (voir Matthieu 25.35-40). Ces enfants ont cumulé tous les malheurs cités par Jésus. Ils sont « les plus petits » parmi les petits et Jésus compte sur nous pour les aimer et les prendre en charge, comme si c’était Jésus Lui-même qui était en prison à l’EPM de Marseille.

Alors, nous ne pouvons pas laisser faire et nous taire. Nous dénonçons cette situation intolérable. Les solutions existent ; à nous d’exiger qu’elles soient mises en œuvre par les pouvoirs publics.

 

Pierre LEGRAND,
aumônier régional des prisons

 

 

 

 

 

 

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