de France et d'Ailleurs

Il s'engage pour la guérison du Moyen-Orient

17 février 2017

Le pasteur Munib Younan habite Jérusalem et possède toujours une carte de réfugié de l’Office de secours des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. De passage à Strasbourg début mars, il a tiré la sonnette d’alarme.

Munib Younan est arabe, protestant luthérien et palestinien. Une combinaison inhabituelle pour notre regard occidental. Mais lui s’insurge : « Les chrétiens arabes en Palestine ? Nous existons depuis deux mille ans et faisons partie intégrante de la société ! » L’homme a le regard doux et l’autorité naturelle de ceux qui ont traversé des tempêtes. Il a grandi dans une famille de réfugiés à Jérusalem-Est, une partie de la ville majoritairement chrétienne. « Être réfugiés, cela signifiait être pauvres et remplis de la nostalgie du retour chez soi », confie-t-il. Mais mes parents nous ont éduqués, mes quatre frères et sœurs et moi, à être responsables et à prendre notre destin en main. » La famille reçoit des aides alimentaires et financières de l’Église luthérienne et la fratrie se rend à l’école luthérienne. À 11 ans, Munib Younan reçoit l’appel pour devenir pasteur : « Mon entourage se moquait de moi, mais je savais que lorsque l’on est appelé, on reçoit aussi les forces pour répondre à l’appel ». Il suit alors des études de théologie en Palestine, à Helsinki et à Chicago, est ordonné pasteur en 1976 et devient plus tard évêque de l’Église évangélique luthérienne en Jordanie et Terre Sainte. Cette petite Église de 3000 membres gère une douzaine d’écoles regroupant près de 3000 élèves, dont 60 % de musulmans : « Nous les éduquons à la non-violence et au vivre ensemble respectueux... ».

Munib Younan, évêque luthérien de Jordanie et de Terre Sainte, est aussi depuis 2010 le président de la Fédération luthérienne mondiale. Cette fédération regroupe 145 Églises réparties dans 98 pays représentant plus de 72 millions de luthériens dans le monde. © UEPAL


Des décennies de chaos
Lors de sa venue à Strasbourg, début mars, Munib Younan a tiré la sonnette d’alarme. Évoquant lors d’une conférence publique la menace d’une Troisième Guerre mondiale –selon les mots du Pape François et du roi Abdallah II de Jordanie– il a appelé la communauté internationale à s’engager fermement dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Il s’est aussi insurgé contre le refrain, récurrent dans les médias occidentaux, qui prétend que les musulmans ne condamnent pas avec assez de force l’extrémisme de Daesh. Selon lui, au contraire, les dirigeants musulmans de par le monde sont activement engagés dans une éducation opposée à l’extrémisme musulman. Ils ont d’ailleurs signé fin janvier une déclaration à Marrakech pour réaffirmer les droits des minorités religieuses vivant dans les pays à forte dominante musulmane et pour condamner sans appel l’utilisation de la violence au nom de la religion. Il a dénoncé les amalgames qui nuisent à la résolution du conflit : « Les problèmes qui se posent aux chrétiens arabes n’ont pas leur source dans l’islam ni chez les musulmans. Nous sommes engagés dans les mêmes luttes. »

© UEPAL

Pour celui qui est aussi le président de la Fédération luthérienne mondiale, aucune religion n’a le monopole de l’extrémisme. Chaque fois que des religieux se servent de la Bible, de la Torah ou du Coran pour promouvoir l’injustice, le terrorisme, la violence, l’occupation illégale des terres ou la destruction des maisons et des plantations, ils pervertissent la religion. Pour lutter contre l’extrémisme, il parle volontiers de « robuste modération » : « Être modéré, ce n’est pas être fadasse, mais ne donner aucune prise aux extrêmes. C’est refuser absolument tout propos antisémite ou islamophobe. » Ce qui lui permet de ne pas désespérer dans cette situation de conflit interminable ? « J’ai dû apprendre à développer une spiritualité profonde. Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste, je suis plein d’espérance. L’espérance de la résurrection est partie de Jérusalem. Mais il n’y a pas de résurrection sans la croix. Le vendredi saint a dû être très, très long pour Jésus. Le samedi saint aussi… ».

Patricia Rohner-Hégé,
rédactrice au Nouveau Messager.

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