L’accueil des exilés en Charente-Maritime

01 janvier 2019

En 2015, la Fondation diaconesses de Reuilly ouvrait en Charente-Maritime trois centres pour accueillir des migrants. Il s’agissait de répondre à l’urgence, à des situations dramatiques, les personnes arrivant de Calais, de Grèce. Aujourd’hui, 130 personnes en attente du droit d’asile ou d’un logement et d’une insertion sont hébergées dans quatre centres (Corme-Écluse, Étaules, Saint-Xandre et La Tremblade) et dans quelques logements privatifs, sur la communauté d’agglomération de La Rochelle.

Plutôt que d’accueillir les personnes par catégorie, le choix a été fait délibérément de mélanger les familles et, les personnes isolées afin de créer une dynamique de vie : les hommes seuls s’occupent des petits et les mères seules avec enfants sont moins isolées, explique Audrey Milcendeau, directrice adjointe.
Et l’ambiance ressemble plus à un lieu de vie qu’à un foyer de travailleurs. À cette mixité sociale s’ajoute une diversité des pays d’origine : Syrie, Afghanistan, Soudan, Erythrée, Irak, Pakistan, Éthiopie, Somalie, Nigéria.

Recentrer les besoins

30 à 40% des personnes ont obtenu le droit d’asile et sont actuellement soit en formation soit en situation de travail. Toutes doivent faire abstraction de leur carrière précédente pour accepter un travail moins qualifié, essentiellement dans la restauration. On trouve facilement des patrons qui acceptent de remplir des dossiers d’embauche car il manque de la main d’œuvre, dans la restauration à La Rochelle, dans l’ostréiculture à La Tremblade. De plus, le département de Charente-Maritime favorise leur accès au logement.
Le problème, ce sont les déboutés, souligne Audrey Milcendeau. Entendez : ceux qui n’ont pas le droit de rester en France. Ces personnes refusent la plupart du temps un retour au pays. Elles se retrouvent vulnérables à la rue. La mission des professionnels est terminée à la fin de la procédure d’asile mais les bénévoles et citoyens continuent alors parfois à garder du lien.

Pause lors d’un concert solidaire à Corme Écluse cet été,
rassemblant les personnes des centres, bénévoles et
partenaires © Nathalie Gass
 Aujourd’hui, on est moins dans l’urgence qu’il y a trois ans, et des projets de vie personnalisés sont travaillés en se recentrant sur les besoins des personnes. Elles font davantage par elles-mêmes, là où, par le passé, elles se seraient appuyées sur des bénévoles.
Les équipes se sont étoffées de compétences diverses. 
Aujourd’hui, on a besoin d’éducateurs spécialisés pour avancer sur la relation d’aide et sur les troubles post-traumatiques. D’autant que sont arrivées des jeunes femmes victimes de traite humaine qui nécessitent des prises en charge lourdes sur le plan psychologique et médical

Des partenariats ont été mis en place avec le CIDFF (Centre d’information des femmes et familles), le Planning familial...

Responsabiliser les personnes

Avec le recul et l’expérience, Audrey Milcendeau et son équipe ont pu prendre à bras le corps un problème récurrent : celui des rumeurs. Quand une rumeur naît, elle provient souvent d’un petit fait : un jeune homme du centre a regardé une jeune fille d’une manière insistante. Il faut dire que l’âge moyen des résidents est de 25 ans. Très vite, ils sont réunis et un débat a lieu. Les jeunes étrangers n’ont pas les mêmes codes de séduction : il faut leur rappeler la loi sur les mineurs et les responsabiliser. Une autre façon de les responsabiliser est de leur permettre de devenir bénévoles eux-mêmes. Pour éviter l’assistanat, ou simplement l’ennui quand on a envie de travailler et qu’on a des compétences, les personnes accueillies sont bénévoles dans différentes associations comme la Croix-Rouge, les banques alimentaires. Et si vous passez devant l’EHPAD de Darcy-Brun à Étaules, ne vous étonnez pas de voir deux ou trois Africains ou Afghans faire du jardinage, jouer à un jeu de société ou donner le bras à une personne âgée.

Claudie de Turckheim

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