Méditation

La Parole

12 décembre 2017

« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu » (Jean 1,1).

Cette parole (le logos grec, le dabar hébreu), origine et organisatrice du vivant, retentit encore aujourd'hui et ce depuis le fond des âges. Nous ignorons tout de cet acte créateur, mais tous les êtres vivants en sont cependant porteurs. Il a laissé une trace indélébile, dont nous n'avons pas souvenir mais qui n'est pas sans conséquences puisque nous en avons tous une intime intuition. Cette parole est notre marque de fabrique et, qu'elle soit verbale ou gestuée, elle est ce qui nous permet d'advenir au monde, d'être au monde. Elle est notre socle identitaire. C'est elle qui nous permet de dire Dieu, l'autre, le monde et nous-mêmes. Sans la comprendre pleinement, nous la balbutions tant bien que mal. Balbutiement toujours imparfait d'ailleurs, accompagné parfois de ce sentiment désagréable que notre tentative de la faire advenir dans la réalité humaine retombe à plat et n'a pas plus de retentissement, aussi vigoureux soit-il, qu'un cri dans le désert, sans personne pour l'entendre.

 

Le cri

Est-ce un cri primaire ? Primordial, peut-être ? Un cri de joie ou de douleur ? De révolte ? Ou est-ce une revendication pacifique ? Un appel ou une réponse ? Une demande ou une affirmation ? Est-il évocateur de force ? Le cri qui accompagne une naissance ? Il est peut-être tout cela en même temps ? Ou l'un seul de ses qualificatifs selon la façon dont nous disposons notre cœur. Toujours est-il que le cri nous est familier ; l'expression vive et spontanée de ce que nous vivons et ressentons dans l'espace clos et limité de notre corps. Sa spontanéité dit son absence totale de maîtrise ; par nature il échappe à tout contrôle. Par son intensité, nous mesurons la force des sentiments qu'il chercher à dire. Rien ne peut le contenir, rien ne peut l'empêcher, il y a urgence, il doit absolument sortir, il est un appel à « être hors de » : une volonté puissante d'exister ; la manifestation d'un brûlant désir de se libérer des contraintes que nous impose l'existence, existence que nous savons finie et limitée, contraintes face auxquelles nous n'avons d'autre choix que de nous soumettre ou alors de crier, ultime tentative d'exulter – souvent illusoire – qui nous est donné pour repousser ces limites et exister. Le cri n'est pas seulement exutoire. Il exprime le désir d'être entendu par un autre. Et ce, même dans le désert ! Il suppose la présence d'un autre. Le cri appelle avec force, il appelle avec foi, il dit un désir de rencontre.

Le désert

Le choix du lieu dans lequel retenti ce cri n'est pas neutre. Le désert revêt une double symbolique. Il est synonyme de libération. Pour les hébreux, Il est ce lieu enfin ouvert, où ils chemineront 40 ans. Étymologiquement, il est le lieu où Dieu parle. Il est aussi un lieu de maturation et de croissance. Le désert est sorti du « ventre maternel » de l’Égypte, sortie qui mène au désert de la croissance, où tout se complique, où l’on regrette le passé, le confort illusoire de la captivité… lieu désertique où l’on doute de Dieu... Lieu ou le peuple hébreu murmure contre Lui. Tout comme le cri, le désert est un exutoire, c'est à dire un passage vers la sortie, un moyen d'évacuation. Il est une voie qui nous dirige vers la sortie. Le désert, enfin, est le lieu de la rencontre avec Dieu. Immensité vide d'où jaillira une voix. Cette parole improbable, inouïe, cette manne énigmatique (littéralement manou : du « qu'est-ce que c'est ? ») qui subviendra aux besoins vitaux de celles et ceux qui l'auront faites résonner dans leur existence. En ce temps d'attente, en ce temps de l'avent, Dieu nous invite au désert. Il nous invite à l'écoute de cette parole incroyable, de cette voix qui crie chargée d'espérance, Chemin /voix de sortie – exutoire - pour nous conduire hors de nous-mêmes, hors de nos contraintes, et nous acheminer à une rencontre authentique.

 

Emmanuel Maillard,
Pasteur de Beaucourt et Vandoncourt-Dasle.

Commentaires