Bible en tension(s) (11)

Le combat de Jacob avec l’ange

01 septembre 2017

Il dit?: «?Ton nom ne se dira plus Ia’acob, mais IsraëlLutteur d’Él —?: oui, tu as lutté avec Elohîms et avec les hommes, et tu as pu.?» (Genèse 32,29, traduction André Chouraqui).

Les récits de la Genèse parlent de l’humain, de ses difficultés à vivre sa liberté, des impasses relationnelles dans lesquelles il se met. Ces récits s’éclairent l’un l’autre et se complètent. Ainsi, avant de lire l’histoire du combat de Jacob devant le Yabboq, il est bon de se souvenir de ce qui la précède. La Genèse parle du Dieu qui crée en séparant les masses informes, en diversifiant ses créatures. Mais l’humain ne cesse de vouloir fusionner, aller vers l’uniformité. Symboliquement, il mange l’autre, l’altérité, en mangeant le seul fruit interdit d’un jardin foisonnant. Le récit de Babel raconte que cette recherche de fusion, d’uniformisation coercitive est dangereuse pour l’humain, au point que Dieu suscite langues et cultures différentes, pour l’empêcher…

Oser vivre en dehors des attentes

Jacob, quant à lui, n’a pas accepté que son destin soit scellé parce qu’il est né quelques secondes après son frère jumeau. Jacob a rusé toute sa vie pour vivre indépendamment des attentes familiales et claniques. Il veut maintenant aller rejoindre son frère, pour faire la paix avec lui. Mais il a peur de cette rencontre, de la vengeance d’Ésaü et met au point toute une stratégie pour l’amadouer et sauver sa famille en cas d’échec.

 

Jacob se retrouve donc face au destin clanique qu’il a fui, s’apprêtant à faire allégeance à son aîné en utilisant encore la ruse. Il est seul, souligne le récit. Et le voilà qui « s’empoussière » avec une force inconnue — ange de Dieu ou Dieu lui-même ? Une lutte corps à corps, sans ruse possible, dure toute la nuit, à force égale, dans cette poussière d’où l’humain a été tiré par Dieu. Au petit matin, à cette force égale à lui, même si elle l’a blessé à la hanche, Jacob réclame une bénédiction pour la laisser partir. Une confirmation de la bénédiction volée à son frère ? Il reçoit beaucoup plus. Un nouveau nom. Une nouvelle identité. Jacob « le supplanteur » devient Israël « Que Dieu se montre fort ». Et ce nom deviendra le nom d’un peuple qui construira sa relation à Dieu et aux autres dans la marche, le mouvement et la singularité. Avec une blessure, une fragilité, comme gage de la proximité de Dieu.

Un face à face qui éclaire une vie

Jacob redoutait le face à face avec Ésaü. Il avait tout fait pour adoucir ce frère qu’il imaginait empli de haine et de rancœur. Finalement, c’est Dieu qu’il a vu face à face, Dieu qui s’est mis à sa portée, face à lui, en lutte d’égal à égal avec celui qui n’a cessé de lutter contre le destin, la fatalité, le côté délétère des traditions, des habitudes, des lourdeurs ancestrales.

Contre toute attente, Ésaü court vers lui et le prend dans ses bras, et tous deux pleurent. Mais ils vont se séparer aussitôt. Jacob/Israël ne peut retomber dans la fusion familiale.

Ainsi, Dieu aime ceux qui construisent leur vie hors des sentiers battus. Il entre frontalement dans la création et non dans la soumission. Il bénit ceux qui osent créer leur vie chaque jour — à son image. Un message puissant, essentiel à entendre par les enfants, les adolescents… et les adultes d’aujourd’hui !

Doris ZIEGLER

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