Femmes protestantes (9)

Le mouvement Jeunes femmes et ses suites

30 novembre 2018

Tous les mois, nous partons à la rencontre d’une femme qui a marqué l’histoire du protestantisme par son engagement, son charisme et ses idées novatrices. Éducation, théologie, santé, nous retrouvons ces femmes dans leur quotidien de foi.

Pendant la guerre, les femmes ont assumé presque toutes les tâches qui étaient dévolues aux hommes absents (beaucoup sont restés prisonniers de guerre plus de cinq ans). Elles ont été confirmées dans leurs capacités et leur désir d’être reconnues. Dès la fin de la guerre (elles viennent alors d’acquérir enfin le droit de vote) et surtout dans les années 50, se développe dans les paroisses protestantes le mouvement Jeunes femmes, parfois animé par la femme du pasteur. Ses membres, qui souvent avaient participé naguère aux mouvements de jeunesse, désirent s’entraider en partageant leurs questions de mères, mais aussi pour aborder les questions sociales et politiques, en lien avec leur foi. Elles tiennent à rester entre femmes, elles s’entraînent à parler en public, se demandent si elles doivent chercher un travail rétribué ou continuer à se consacrer à leur famille. Peu à peu elles discernent leurs responsabilités surtout dans les problèmes féminins. La revue du MJF, les thèmes de réflexion et les colloques annuels contribuent à la vie des groupes ; les effectifs du mouvement sont nombreux (jusqu’à 6000 adhérentes). Parmi les animatrices de ce mouvement protestant, il faut nommer : Jeanne Lebrun (1903-1996), Suzette Duflo (1910-1983), Francine Dumas (1917-1980), Janine Grière et sa sœur Rolande Dupont.

Le mouvement Jeunes femmes est à la création du planning familial

et du commerce équitable, avec le réseau Artisans du monde (© DR)

 

À la naissance du planning familial

Alors que les femmes catholiques ne le peuvent pas, les Jeunes femmes vont s’associer aux militantes qui lancent la Maternité heureuse, devenue bientôt le Mouvement du Planning familial. Les débuts sont clandestins : il s’agit de lutter contre la loi de 1920, qui interdit non seulement l’avortement, mais aussi toute contraception, alors que beaucoup de femmes vivent dans la hantise d’une grossesse non voulue. Il faut nommer ici avec la Doctoresse Lagroua Weil Hallé, les protestantes Évelyne Sullerot et Simone Iff. De très nombreuses jeunes femmes se forment et deviennent actives dans les centres du Planning : elles accueillent, informent. Elles se réjouissent de la loi Neuwirth (fin 1967), autorisant enfin la contraception. Elles se préoccupent de l’avortement (Simone Veil le dépénalise en 1975) puis du viol. Tandis que les unes militent pour les droits des femmes ; d’autres militent pour le droit à un commerce équitable : ouverture de nouvelles boutiques Artisans du monde...

Le mouvement Jeunes femmes est à la création du planning familial et du commerce équitable,

avec le réseau Artisans du monde (© DR)

 

Le groupe Orsay

Après mai 1968, le mouvement JF est dirigé non par une présidente, mais par un « collectif ». De plus en plus, ses adhérentes entrent dans le monde du travail. Un débat s’ouvre : faut-il garder dans les statuts la référence à Jésus-Christ ? Jeunes femmes, reconnu mouvement « d’éducation permanente » ne devrait-il pas devenir totalement laïque pour mieux s’ouvrir à d’autres ? Finalement cette décision est prise. Alors, se crée le Groupe Orsay (du nom du lieu où se déroula la quinzaine de congrès organisés). Ce groupe garde le souci d’une recherche féminine officiellement protestante, mais des catholiques en sont membres. Plus tard, un dialogue s’ouvre avec de jeunes femmes musulmanes, y compris un groupe de travail Bible et Coran.

Les deux mouvements (JF et GO) existent encore, ainsi que la branche française du Forum œcuménique des femmes chrétiennes d’Europe, mais un recrutement jeune semble tari.
Depuis les années 70, le féminisme se développe en Europe et toutes les femmes y sont de plus en plus sensibilisées. Les acquis sont remarquables, mais le combat est loin d’être achevé pour une vraie égalité entre hommes et femmes.>>

 

 

Marjolaine CHEVALLIER,
maître de conférence honoraire à la faculté de théologie de Strasbourg

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