Le péché au cœur du débat

01 juin 2017

Mi-mars, le colloque annuel de l’Institut supérieur de théologie œcuménique (ISEO) s’est tenu à l’Institut catholique de Paris. Il a réuni de nombreux intervenants des différentes confessions chrétiennes sur le thème Comment parler du péché en 2017 ?

Le péché qui a tenu une place centrale dans le débat théologique entre luthériens et catholiques au XVIe siècle et de nouveau lors de la rédaction de la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, signée en 1999, a-t-il encore un sens pour nos contemporains par rapport au Salut ? Comment le Salut opère-t-il aujourd’hui sur le péché dans chacune de nos traditions ? C’est donc bien la nécessité d’actualiser le discours théologique sur le péché qui apparaît essentielle pour être audible dans le contexte socio-culturel du XXIe siècle.

La notion de péché en tant qu’entité théologique doit être différenciée de la liste des péchés qui relèvent de notre action et de nos fautes quotidiennes, comme conséquence du péché.

Péché individuel ou communautaire

La distinction entre la dimension individuelle ou personnelle du péché et sa dimension structurelle ou communautaire a été évoquée par plusieurs intervenants ; mais la première ne doit pas être dissoute dans la seconde. Dans le premier cas, il s’agit du péché, au sein de l’Église, de chacun de ses membres à titre personnel ; dans le second cas il s’agit du péché de l’ensemble de ses membres commis au titre de l’institution. On peut parler du péché de l’Église par opposition au péché de chacun dans l’Église.

Cette distinction a été particulièrement soulignée à propos du problème de la pédophilie : si d’un côté il y a l’ensemble des péchés commis individuellement par certains de ses membres, il y a d’un autre côté la structure mentale de l’Église qui tend à taire ou minimiser toute tendance pécheresse se développant en son sein, et qui implique pourtant sa responsabilité quant aux conséquences qui en découlent soit directement, soit indirectement par son silence à l’égard de cet état de fait (péché par omission).

La tradition orthodoxe préfère parler de l’origine ancestrale du péché plutôt que du péché originel, ce qui entraîne que, bien que la condition pécheresse de l’humanité soit partagée par tous du fait du péché d’Adam, l’homme n’est coupable que de ses propres péchés. Le péché d’Adam, au-delà de la transgression, est une violation de la structure de la création en la détournant de sa finalité qui est la participation à la vie divine.

Péché et grâce

Le thème du péché et de la grâce est au cœur du débat entre catholiques et protestants sur la doctrine de la justification et la compréhension de l’affirmation de « l’être pécheur et justifié ». Or, la justice de Dieu n’est pas un attribut, Dieu est justice et miséricorde ; il y a là une tension qui relève du témoignage du message biblique : à la contestation du pouvoir du péché répond l’énigme de la grâce ; le concept de péché comme symbole de l’accueil de la grâce s’oppose totalement ici au concept juridique de dénonciation permanente du péché comme faute morale.

Si ce colloque n’aura pas permis de proposer une vision claire et unifiée de la problématique du péché recevable dans le monde d’aujourd’hui, il aura permis au moins de rappeler que le péché s’inscrit dans la confession de foi, qu’il doit être apprécié dans la perspective du Salut comme rupture de la relation à Dieu, tout en sachant que le rétablissement de cette relation relève de Dieu par le rachat de nos péchés. 

JEAN-CLAUDE COCHERY, EXTRAIT D’UN ARTICLE PARU DANS BULLETIN ŒCUMÉNISME INFORMATIONS, MAI 2017

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