Folles idées

Les cantiques au culte : tradition et/ou innovation ?

01 octobre 2018

Quoiqu’assez apprécié dans nos Églises, le chant des cantiques est peu mis en valeur, mais il est pourtant indispensable au culte. Les cantiques chantés sont pour la plupart anciens. Pire que cela, ils ne sont, hélas, pas là pour attirer des nouvelles personnes aux cultes. Cependant, ces cantiques font partie de notre patrimoine, de notre histoire. Comment les honorer, comment faire ce lien parfois très problématique entre la tradition et l’innovation ?

Chanter des cantiques, cela a toujours été le cas dans nos Églises protestantes. Nous n’oublions pas à ce sujet l’action de nos réformateurs, Luther et Calvin, qui ont beaucoup œuvré pour le chant pendant le culte. Nous aimons chanter. En effet, cela nous fait participer pendant le culte ! Mais, avons-nous conscience de ce que représentent vraiment les cantiques et que ces cantiques tant plébiscités peuvent desservir notre témoignage ?   
Culte du Synode à La Rochelle, novembre 2018 © Patrick Balas

Pourquoi faisons-nous ce questionnement si sévère ? N’est-il pas exagéré ? Pourquoi même penser cela ? Il y a plusieurs raisons qui partent de choses vues et constatés.

Les hymnes

Les deux recueils les plus en usages dans nos paroisses sont Arc-en-Ciel, qui comprend 892 cantiques, et Alléluia avec 944 cantiques. Sur les cantiques, combien en connaissons-nous, ne serait-ce que partiellement ? Une centaine ? Cela doit être ça. Cela veut dire qu’il y a beaucoup de cantiques que nous ne connaissons pas, car nous ne les entendons et chantons que trop peu. Nous préférons les cantiques que nous avons l’habitude de chanter, qui nous rappellent notre passé camisard (les Psaumes, comme le psaume 168) ou ceux qui sont devenus des hymnes protestants, notamment À toi la Gloire
Cependant, même en tenant compte de l’héritage de ces cantiques, que veulent-ils dire, que représentent-ils pour une personne qui franchit la porte d’un temple pour la première fois et qui n’est pas habituée à entendre leurs paroles et leurs tournures ?

Les spontanés

Nous pouvons dire la même chose pour les cantiques que l’on nomme « répons » ou plus communément « spontanés ». Ils se chantent pendant le culte pour rythmer les différents moments de la liturgie. Avec ces spontanés, nous avons l’habitude de chanter souvent un couplet d’un de ces cantiques avec la particularité qu’ils ne sont parfois même pas annoncés par l’officiant·e, car ils sont affichés sur la feuille du culte : en effet, c’est une évidence qu’ils soient chantés à ce moment précis. Et puis regardons le côté pratique : on ne va tout de même pas perdre du temps à chercher dans les recueils de cantiques pour changer quelques minutes après ! Mais ces spontanés, mis à part ce côté pratique, peuvent également quelque peu dérouter encore cette personne qui vient au culte pour la première fois et qui ne les connaît donc pas. Ne risque-t-elle pas d’être perdue ? Ne trouve-t-elle pas que le culte ressemble davantage à un « club » d’initiés qu’à une Église qui doit être ouverte sur le monde ? Et puis avec ces spontanés, n’y a-t-il pas le risque de ne se concentrer que sur quelques cantiques et de ne pas en connaître d’autres qui pourraient avoir toute leur place dans la célébration du culte ?

La tradition

Dans notre jargon luthéro-réformé, il y a un terme assez passe-partout qui circule : celui de l’identité. Comment définit-on cette identité ? À travers les cantiques, on parle de la tradition. Nous aimons les cantiques traditionnels, sobres, qui ont un message. Ils ne sont pas entraînants musicalement ? Peu importe ! Car l’on entend souvent, pour leur défense : Il ne faut surtout pas ressembler aux évangéliques qui font trop souvent la même chose, c’est-à-dire des cantiques qui se répètent, où des passages bibliques sont repris mot à mot ! ; Les nouveaux cantiques évangéliques ne sont pas assez creusés théologiquement ; Ce sont des chants traduits de l’anglais écrits par des évangéliques fondamentalistes ; ou encore Cela joue sur de l’émotion au détriment de la raison !
Ces propos sont un peu provocateurs, certes. Ils ne sont pourtant pas inventés. Ils sont entendus dans nos paroisses par nos paroissiens, nos liturges, nos organistes, nos prédicateurs, nos pasteurs !

Les inconditionnels

Magnifique est le Seigneur, Arc-en-ciel
© Élisabeth Renaud
   Malgré tout ce que ces cantiques peuvent avoir comme défauts nous les aimons. Nous aimons les chanter. Nous avons été éduqués avec. Pendant notre école du dimanche, notre catéchisme, nous avons appris nos inconditionnels Je louerai l’Éternel, Magnifique est le Seigneur. Nous aimons ces cantiques : ils permettent de découvrir la beauté de la musique, et permettent de s’approprier la parole de Dieu pour en faire l’écho dans nos vies.
Nous aimons ces cantiques car ils ont traversé des siècles, des époques, parfois de disette dans notre histoire protestante.

Nous aimons ces cantiques car ils nous apaisent, ils consolident notre foi, car comme l’a dit Saint Augustin puis Luther : Bien chanter, c’est prier deux fois !
Avec ces cantiques que nous aimons, la question est donc, comment allier le neuf avec l’ancien ? L’innovation avec la tradition ? Comment réformer nos cantiques réformés ? Il est difficile, voir conflictuel de trancher. Cependant, des alternatives existent. Ces dix dernières années, des pasteurs et des laïcs ont composé de nouveaux cantiques d’assemblées. Ces cantiques sont facilement accessibles* en audio. Leur partition est téléchargeable. Ces cantiques font preuve d’une pluralité de style, de thèmes, de composition. Ils respectent les temps liturgiques en usage dans notre Église. Certains sont basés sur un texte biblique. Musicalement, ils ont été écrits par des auteurs et compositeurs connaisseurs de nos cultes, de nos besoins. Et surtout, ils peuvent être chantés en assemblée. C’est d’ailleurs leur but. Alors pourquoi ne pas les utiliser ? Ne devons-nous pas chanter au Seigneur un chant nouveau, comme le dit le psaume 96 ?
Nos cantiques ont une histoire, une tradition. Ils font partie de notre culture. Ils révèlent aussi la diversité de notre provenance dans nos Églises luthéro-réformées. Ils sont parfois un sujet de discorde, mais ils sont aussi un sujet de joie, de reconnaissance, d’espérance. Ayons cette espérance que nos cantiques soient aussi et surtout un sujet d’unité. Pas d’uniformité. Mais que nous puissions ensemble chanter ces cantiques, anciens ou modernes, classiques ou contemporains. Peu importe. Si nous assumons leur diversité, un grand pas sera fait. C’est ainsi que nous formerons un seul corps, avec divers membres, mais tous au service du Christ.

En savoir plus

www.cantiques.fr

Simon de Cazenove

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