États-Unis

Les évangéliques et le décret anti-immigration

01 avril 2017

Spécialiste du fait religieux dans la vie publique et directeur de la communication à la Divinity school de l’Université Yale aux États-Unis, Tom Krattenmaker revient sur le soutien des évangéliques à la politique anti-immigration de Donald Trump.

Malgré les avertissements effrayants du nouveau président, une majorité importante d’Américains s’oppose à l’interdiction faite aux musulmans de certains pays d’entrer aux États-Unis. Un sondage réalisé par l’Institut public de recherches sur la religion (Public Religion Research Institute) révèle que 59% des Américains s’opposent à une telle interdiction contre 35% qui la soutiennent. Mais certains résultats sont aberrants. Les personnes qui disent prendre le plus au sérieux Jésus et la Bible nagent contre la marée. Non seulement une large majorité d’évangéliques blancs soutiennent une interdiction temporaire des musulmans, mais en plus, la proportion de soutiens dans cette communauté ne cesse d’augmenter. 

Les évangéliques plus sensibles
L’enquête montre que 61% des évangéliques blancs sont en faveur de l’interdiction, un chiffre en hausse par rapport au 55% de l’année dernière alors que le candidat à la présidentielle Donald Trump avait appelé à interdire les musulmans aux États-Unis. Tant du côté des catholiques que des protestants plus traditionnels, les niveaux de soutien sont au contraire sensiblement en baisse par rapport à l’an dernier.

Comme on l’a largement signalé, les évangéliques blancs sont les principaux électeurs de Trump. Toutefois, le fait que 81% des évangéliques ont voté pour ce candidat signifie qu’environ un cinquième d’entre eux ne l’a pas soutenu. Un bon nombre de dirigeants et d’écrivains évangéliques de haut niveau se sont puissamment opposés à Donald Trump, dont Russell Moore de la Convention baptiste du Sud et Michael Gerson, chroniqueur au Washington Post

L’espoir d’un climat politique favorable
Mais pourquoi un tel appui à l’interdiction des musulmans et à son principal partisan de la part de ceux qui nous disent depuis des années qu’ils fondent tout sur la Bible ? L’espoir d’un climat politique plus favorable pour leur groupe et leurs pratiques religieuses peut être une réponse : limites plus strictes par rapport à l’avortement, Cour suprême plus en phase avec les idées chrétiennes conservatrices, et plus grande marge de manœuvre dans la résistance à la normalisation des relations homosexuelles, par exemple.

Aussi troublant que cela soit, ce qui est plus difficile à comprendre, ce sont les soutiens à la politique de Trump de certains éminents chrétiens conservateurs, qui défendent des positions politiques pragmatiques et non pas dictées par la Bible. Cela, dans le contexte d’une culture évangélique, qui a longtemps souligné que les réponses à toutes les grandes questions de la vie se trouvent dans la Bible. Ce n’est « pas une question biblique », a ainsi déclaré Franklin Graham au sujet du décret anti-immigration… 

En dépit d’un fort moralisme
En dépit de leur image soigneusement cultivée en tant que personnes les plus engagées à suivre la Bible et qui se trouvent donc sur un plan moral supérieur, les évangéliques blancs sont fortement influencés par des facteurs non bibliques. Il s’agit notamment de vouloir être à l’abri du terrorisme, de vouloir maintenir un paysage culturel et politique plus à leur goût, ainsi que d’une méfiance à l’égard des personnes qui sont différentes d’eux, que ce soit à cause de l’ethnie, de la religion ou de l’orientation sexuelle. Parallèlement, vient l’inclination naturelle à s’unir dans les combats politiques et culturels et à suivre le dirigeant qu’ils ont choisi.

Que tirer de ces observations? Une tendance à vivre leur religion non pas principalement ou seulement en tant que peuple de Jésus mais comme une tribu, comme une communauté. Peut-être que ça ne fait que d’eux des humains, avec tout ce que ça implique de mauvais et de bon.

 

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Tom KRATTENMAKER
Protestinfo

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