Cap au large

Périple en Asie centrale, l'Ouzbékistan

01 octobre 2019

L’Ouzbékistan, pays enclavé en Asie centrale, est un carrefour où se retrouvent les influences turques, chinoises, persanes et russes. Pays laïc à l’islam largement dominant, sous tutelle depuis 1865, il a acquis son indépendance de la Russie en 1991. L’association ET SI est allée à la rencontre de sa culture et de ses habitants au printemps dernier.

Le périple commence par la capitale, Tachkent, aux larges avenues fleuries et au célèbre marché-bazar avec ses épices, ses fruits secs, mais aussi son rayon boucherie…
Nous prenons ensuite la direction de Nukus, capitale de la république autonome du Karakalpakstan intégrée à l’Ouzbékistan. Posée là aux portes du désert et désespérante s’il n’y avait pas le plus fabuleux des musées crée par Igor Savitsky, artiste peintre qui protégea et dissimula au pouvoir d’alors des toiles interdites. C’est une collection de peintures de l’avant garde russe dont le taureau de Lyssenko, les toiles de Kliment Redko, Vera Moukhina, Robert Falk et bien d’autres inconnus. Une exposition a eu lieu à Caen en 1998. Depuis peu les autorités ouzbèkes, ayant pris conscience de ce patrimoine, ont crée un deuxième musée et disséminé les œuvres d’art. Pourquoi ? Nous n’aurons qu’une réponse partielle…

Le groupe dans le palais du Tach Khaouli © Denise Castel

 

Un pays de conquérants

Khiva, l’un des deux khanats (royaume dirigé par un « Khan ») du pays, est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco avec une muraille de pisé de plus de 600 mètres de pourtour et dix mètres de haut qui protégeait les caravaniers avant la traversée des déserts. Khiva possède un majestueux minaret Kalta Minor recouvert de briques à la glaçure turquoise et de majoliques de la base au sommet en fait un exemple unique. Il compte également des madrasas (écoles coraniques), la mosquée Djouma dite du vendredi avec ses 213 colonnes sculptées construite au Xe siècle, et le célèbre Al-Khawarizmi, né en 783, père de l’algèbre et de l’algorithme.
Il faudra sept heures pour traverser le désert de Kysyl Koum à bord d’un d’autocar sur une route construite sur du sable rouge, pour atteindre Boukhara dont l’enfant du pays est Avicenne, médecin et philosophe. Tous les conquérants, d’Alexandre le Grand à Gengis Khan et Tamerlan, sont passés par cette ville lumière avec le Régistan (place centrale bâtie sur du sable), des mosquées dont celle de Liab i Khaous, des bassins et une forteresse. Le groupe était logé dans une propriété devenue hôtel ayant appartenu à un riche marchand juif. Les juifs de Boukhara furent très nombreux au XIXsiècle et en voie de disparition aujourd’hui.
Sur la route de Yangui Gazgan, un arrêt à Nourata permet de découvrir l’immense forteresse qu’Alexandre le Grand avait construite et dont les ruines sont encore visibles. S’y trouve surtout, pour les ouzbeks, la source sacrée où les truites (elles aussi sacrées) nagent dans l’indifférence des touristes et pèlerins les observant. La légende dit que la source est apparue là où le gendre de Mahomet a tapé avec son bâton.

Khiva : ensemble commémoratif de Pakhlavan-Makhmud © Denise Castel

 

De richesses

Un petit tour à dos de chameau dans le désert avec le silence de la steppe a précédé une nuit sous la yourte avec une soirée animée par un chanteur kazakh à la belle voix, avant le retour à la civilisation par une route défoncée par l’orage.
C’est ensuite la découverte de Samarcande, perle de l’Asie, merveille des merveilles, capitale de Timour où Tamerlan a son mausolée familial. S’y trouve également la mosquée de Bibi Khanoun, son épouse préférée. Son petit-fils, Ulugh Beg imposa un islam tolérant et ouvrant des madrasas aux filles, il fonda l’astronomie moderne dans son observatoire. Puis nous avons parcouru la nécropole turquoise de Chah e Zindeh composée de onze mausolées.
Tout le long de notre périple nous fûmes accueillis par les vendeurs d’artisanat local : soierie, écharpes, tapis, bijoux d’argent, travail du bois, poterie, miniatures et enluminures… ; les œuvres sont si belles qu’on se laisse vite tenter. Et puis, la combinaison des salaires et du niveau de vie dans les deux pays explique que les Ouzbeks nous considèrent comme des nababs !
L’une de nous avait emporté avec elle le petit livret de l’UEPAL « accompagner et prier ». Il nous servit de guide pour partager des psaumes, des prières, ou des textes du monde entier lors de nos longs périples en car au sein du désert. Plusieurs se firent « lecteurs ».

Entrée de l'hôtel situé dans une ancienne Madrasa, à Khiva © Denise Castel

 

Et de ressources

On peut retenir de ce pays sillonné par nombre d’aventuriers de Marco Polo à Nicolas Bouvier que l’eau est au cœur de l’histoire de l’Ouzbékistan : la mer d’Aral est complètement asséchée côté ouzbek, l’Amou Darya se perdant dans deux réservoirs ; c’est une catastrophe humaine, économique et écologique. Loin de là, le long de la route les vents de sables de l’ex mer d’Aral déposent des lits de sels sur les terres qui ont été fertiles. Le Président d’aujourd’hui essaie de résoudre le problème du coton en accordant un droit à cultiver sur les terres dont l’Etat est propriétaire, terres qui peuvent être transmises par héritage, à condition que la culture du coton soit remplacée par la culture effective de primeurs. Cependant, faute de possibilités d’investissement, le pays laisse entrer les grands groupes à la recherche des trésors du sous-sol (la chaux, le pétrole, le gaz, l’or…) et la route ferroviaire de la soie est initiée par la Chine (cf. le port sec de Khorgos sis sur le territoire chinois à la frontière du Kazakhstan).
Mais il n’en est pas moins vrai que l’Asie centrale fut au cœur des grands empires perse, ottoman, russe et chinois et que c’est dans cette contrée que sont nés l’écriture, la médecine, l’algèbre, les mathématiques, l’astronomie, la soie…
Les paysages de la steppe désertique sont magnifiques, l’architecture turquoise majolique et mosaïque sublime. C’est un pays jeune, libre depuis 1991 après tant d’années sous la coupe des tsars et bolcheviks ; les habitants sont accueillants et chaleureux. C’est un pays méconnu, mais fabuleux.

Michèle Muairon

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