Cap au large

Petite esquisse du protestantisme aux Pays-Bas

01 mars 2018

Marlies et Philip van Tienhoven, retraités néerlandais dans le Poitou, nous présentent dans cet article la vie protestante aux Pays-Bas et les différences qu’ils ont pu découvrir avec le protestantisme français.

Le touriste français sera peut-être surpris de voir dans une petite commune néerlandaise deux ou même trois églises protestantes (on ne parle pas de temple là-bas), l’une tout près de l’autre. Ceci s’explique par le fait que le protestantisme aux Pays-Bas a été la religion dominante dès la fin du XVIe siècle.

La création de nouvelles Églises

La ferveur religieuse et l’absence d’autorité religieuse centrale comme à Rome ont mené à une série de scissions et à la création de nouvelles Églises, scissions qui ont parfois déchiré des familles entières. Même pendant la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu encore une dispute qui a abouti à la création de l’Église libérée.
Dans la deuxième partie du siècle dernier, un mouvement contraire, celui d’un rapprochement, s’est produit entre les deux grands courants du protestantisme. La Hervormde Kerk Nederland, de tendance libérale, et la Gereformeerde Kerk Nederland, plus conservatrice, se sont unies avec quelques autres petites Églises conservatrices pour former la Protestantse Kerk Nederland (PKN, Église protestante des Pays-Bas). D’autres Églises, plus fondamentalistes ont choisi de rester indépendantes. Un même mouvement de rapprochement a conduit à une relation plus détendue avec l’Église catholique et à des études plus amples concernant les sources juives du christianisme.

L’influence du protestantisme dans la vie publique et politique

La famille royale est traditionnellement protestante. Le roi actuel Willem-Alexander (Guillaume-Alexandre en français) a épousé une Argentine catholique, mais leurs enfants ont une éducation protestante.
Si un jour férié tombe le dimanche, il est décalé par respect du repos dominical.
Pas question pour les Néerlandais d’acheter leur pain frais le dimanche ! Les magasins sont fermés, sauf actuellement quelques supermarchés dans les grandes villes.
Au XIXe siècle, l’Église protestante Hervormde Kerk Nederland s’était éloignée « des petites gens ». Un nouveau courant, devenu Gereformeerde Kerk Nederland, plus conservateur et social, s’est engagé à améliorer la vie matérielle et spirituelle des gens modestes. Le leader de ce courant, Abraham Kuyper, a constitué un parti politique qui a eu une grande influence à la fin du XIXe jusqu’au début du XXe siècle.
Encore de nos jours, les partis politiques chrétiens, réunis sous le nom de CDA (Appel chrétien démocratique), font presque toujours partie des coalitions des gouvernements successifs. Pour éviter les malentendus, le CDA n’a rien à voir avec le Parti chrétien démocrate en France.
L’éthique protestante concernant le travail a marqué le pays : le sentiment du devoir et de la responsabilité est toujours présent. Pourtant il y a des gens qui ont cloisonné leur esprit : le dimanche pour Dieu, les autres jours pour les affaires, sans rapport entre les deux.

Il y a quelques régions aux Pays-Bas où les Églises fondamentalistes sont dominantes. Dans le passé les gens allaient à pied à l’église, parce que faire du vélo était un manque de respect envers le repos dominical. Maintenant on y voit le dimanche une tenue très stricte et des femmes ou des filles coiffées d’un chapeau.
Dans quelques villages de pêcheurs ont voit encore des femmes en costume local, mais c’est devenu rare.
Les membres de ces Églises fondamentalistes ont leur propre parti politique, qui, l’an dernier, a joué un rôle crucial dans la formation d’une coalition gouvernementale.

 

Une villageoise en costume local
© www.adriaanbolsappel.nl

 Le protestantisme et nous

Dans notre couple, deux extrêmes se sont réunis : Philip venant d’une famille très conservatrice, Marlies sortant d’une famille non pratiquante. Ensemble, nous avons cherché à savoir ce qui était essentiel pour nous dans notre foi. Nous sommes devenus membres de la PKN (Église protestante des Pays-Bas) à Soest, notre ancien lieu d’habitation.

La vielle église à Soest ©fy.wikipedia
  Soest se trouve dans la province d’Utrecht, au centre du pays. C’est un village (!) de 46 000 habitants où vivent des protestants de différentes sensibilités, mais aussi des catholiques. Après la Réforme du XVIe siècle, le catholicisme a longtemps mené une vie souterraine. Ce n’est qu’au XIXe siècle que la messe a pu être célébrée publiquement et que les catholiques ont eu les mêmes droits aux fonctions officielles que les protestants (influence de la Révolution française !). À cette époque on a aussi rendu aux catholiques la plupart des églises confisquées, mais pas à Soest ! Notre belle Oude Kerk (vieille église) qui date de 1350 est toujours protestante.


La liturgie de notre Église à Soest ne diffère pas beaucoup de celle du temple poitevin dont nous faisons partie maintenant. L’aspect musical (la chorale) nous manque un peu, mais l’accueil chaleureux, la qualité de la prédication et du cercle biblique/Kt pour adultes, ne laissent rien à désirer, au contraire !

Une nouvelle hymnologie

Une différence entre l’Église protestante unie de France et son homologue néerlandais (PKN) est que les Églises néerlandaises ont davantage de pouvoir au niveau local. Exemple : c’est le Conseil presbytéral local qui décide de la nomination d’un·e pasteur·e.
En 2004, un renouvellement du recueil hymnologique a été commencé. Non seulement les 150 psaumes mais aussi d’autres cantiques et hymnes ont reçu une nouvelle musique : un travail coopératif de toutes les Églises protestantes belges (néerlandophones) et néerlandaises, l’inspiration musicale venant du monde entier. Le résultat final, un nouveau recueil, a été publié en 2013, c’est-à-dire après notre départ.
Il va de soi que la vie protestante aux Pays-Bas est infiniment plus complexe que nous avons pu l’esquisser ici. Nous ne sommes pas des historiens du protestantisme mais nous avons voulu exprimer notre point de vue personnel dans ce petit article.
Pour terminer nous voulons remercier tous ces Français·es qui nous ont accueillis si gentiment après notre déménagement et nous vous invitons tous à faire un jour le voyage en sens inverse. Cela vaut la peine. 

Marlies et Philip van Tienhoven

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