Histoire

Quand les archives s’exposent… sur Internet

01 février 2018

Parler d’archives ? Pour beaucoup, cela tient en deux mots : poussière et vieux papiers ! La Grande collecte lancée en 2013 par la BNF (Bibliothèque nationale de France) et les Archives de France autour de la Grande Guerre a contribué à casser un peu cette image. Avoir des archives d’intérêt historique, comme c’est le cas au Défap, est une chance ! Mais comment sortir un fonds d’archives de l’anonymat ?

Les archives conservées au Défap ont un atout : elles comportent un fonds iconographique important, photos, cartes postales, dessins, affiches, plans et cartes de géographie. Avec Internet, la piste virtuelle s’ouvre comme une voie royale. Pour le reste, ce n’est plus… qu’une question de travail, comme pour une exposition « normale » ! 
Il y a la phase de l’exploration/appropriation : dépouillement de correspondances et autres sources écrites. La phase de la conception : trouver un fil rouge, une « histoire » à raconter, parcours personnel ou collectif, événement ou thématique.
  
Éclaireurs unionistes à Madagascar, 1950 © Défap

Et enfin la phase de la réalisation pratique – rédaction de textes, sélection de documents, numérisation – pour arriver à la mise en ligne.

Surfer sur les commémorations

La signature du Traité de Tientsin, 1858© Défap
  En 2010, le cinquantenaire des indépendances africaines avait fourni le prétexte pour revisiter les enjeux de l’autonomie des Églises d’Afrique. L’exposition intitulée Dépendance, indépendance, interdépendance : Églises d’Europe, Églises d’Afrique 1960-2010, visible « en dur » au Défap lors des Journées du patrimoine de septembre 2010, bénéficie d’une déclinaison virtuelle qui a permis de lui donner une seconde vie, via le site internet du Défap. Cela a permis un coup de projecteur sur trois Églises nées de la mission – à Madagascar, au Cameroun, en Zambie – qui ont accédé à l’autonomie autour de 1960. 

Cela a également été l’occasion de redonner la parole aux acteurs de l’époque, responsables des « jeunes » Églises et des sociétés de mission, personnalités du monde œcuménique, à la découverte de leurs craintes et de leurs espoirs respectifs. Et puis, ce retour à l’histoire est une chance pour comprendre le contexte et l’enjeu des transformations intervenues à ce moment-là dans les relations entre Églises d’Afrique et Églises d’Europe. On parle, pour 1914-1918, de guerre « mondiale ».
On mesure rarement toute la portée de ce qualificatif. Cette guerre eut bel et bien des répercussions jusqu’aux antipodes : à Tahiti, en Nouvelle-Calédonie, à Madagascar et ailleurs. C’est ce dont témoignent en particulier les archives du Défap. Des documents permettent de retracer des parcours individuels originaux, et éclairent de nouvelles facettes du conflit.

Créer des produits dérivés

En métropole, l’accueil de soldats du bout du monde suscite la mise en mouvement d’un important réseau relationnel au sein du protestantisme français. Des pasteurs – anciens missionnaires ou encore en activité – jeunes et moins jeunes, mobilisés ou non, cherchent par tous les moyens à rejoindre, sur le front ou à l’arrière, ceux dont ils connaissent le pays, l’église et la langue. Ils demandent pour cela à devenir infirmiers, interprètes, aumôniers volontaires, ou encore responsables de foyers du soldat.

Ce sont d’autre part de nombreuses paroisses qui ouvrent leurs portes à ces tirailleurs et travailleurs, majoritairement malgaches, tahitiens et kanaks, cantonnés dans plusieurs régions de France : dans le Nord, en Picardie, en Charentes, mais aussi dans les nombreux camps situés sur la Côte d’Azur, etc. Des cultes y sont célébrés dans leurs langues, une littérature est également diffusée dans leurs langues – bibles, cantique ou journaux – des foyers sont ouverts à leur intention, on recherche des « marraines » pour les accompagner. À leur contact, les protestants de France prennent soudain conscience d’une ouverture à l’universel inscrite dans le sillage d’une aventure missionnaire engagée moins d’un siècle plus tôt (voir encadré).
L’aventure 14-18 au Défap, démarrée dès 2014 sous la forme d’un atelier collaboratif – permanents et bénévoles – a débouché sur plusieurs produits dérivés : des expositions virtuelles, pour l’instant au nombre de trois : Une famille malgache dans la guerre, Douze Bassoutos à Paris, octobre 1917, et Paul Laffay, de Houaïlou à Monastir (1889-1917) ; des émissions radio, à Paris sur Fréquence protestante, également accessibles à partir du site internet du Défap, notamment sur la guerre depuis Tahiti ; la publication en juillet 2017 d’un livre, 1914-1918 Les protestants français et la mission : entre patriotisme et universalité en partenariat avec l’Espace culturel protestant de la paroisse de Reims.

Sortir de l’oubli

D’autres pages oubliées de l’histoire des protestants français, nous ont fourni matière à des expositions virtuelles ainsi qu’à des émissions de radio.
C’est le cas pour l’Indochine. Après la Première Guerre mondiale, la question d’une mission protestante française en Indochine est posée par le pasteur Ulysse Soulier. Celui-ci a découvert sa « vocation missionnaire » sur le front, au contact de soldats « annamites ». Des missionnaires protestants américains ont entrepris d’y développer une œuvre depuis le début du XXe siècle, mais leur présence est mal tolérée par l’autorité coloniale. L’appel d’Ulysse Soulier au protestantisme français pour qu’il ouvre un champ de mission en Indochine n’est pas le premier, il ne sera pas non plus le dernier !
Qui sait aujourd’hui que les pasteurs Jules Bonhoure, de Saint-Hippolyte-du-Fort, et Oscar Rau, de Lausanne, partirent comme missionnaires en Chine en 1860, envoyés par la Mission de Paris, à l’époque même de la fameuse révolte des Taïpings, qui mit toute une région de la Chine à feu et à sang ? Une aventure de courte durée puisqu’ils furent très vite contraints de rentrer en Europe. Mais les récits qu’ils nous ont laissés constituent de passionnants témoignages sur cette époque mouvementée de l’histoire de l’Empire du Milieu.

   
Cartes-lettres envoyées par le sergent Eugène Parisot au pasteur Jean Blanquis, directeur de la SMEP, 1915 © Défap

 

Le Service protestant de mission-Défap a hérité des Archives de la Société des missions évangéliques de Paris (SMEP), active dans plusieurs pays d’Afrique, à Madagascar et dans le Pacifique, de 1822 à 1971.
Ce fonds a fait l’objet d’une mesure de classement en 2005 par le Ministère de la Culture.
Il éclaire l’histoire coloniale de la France et celle des nations européennes, et contribue à renseigner sur l’émergence, sur d’autres continents, de nations indépendantes.
Il témoigne du rôle joué par les acteurs de la mission – sociétés de mission, missionnaires européens et autochtones, acteurs non-religieux – dans l’émergence d’un christianisme non occidental.

En savoir plus

Partez à la découverte de ces histoires et d’autres encore sur www.defap-bibliotheque.fr

Claire-Lise Lombard

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