Cap au large

Religiosité en Asie contemporaine

01 mai 2019

Alors que dans plusieurs pays occidentaux tels que la France, la Grande-Bretagne et le Canada, les services dominicaux chrétiens sont moins fréquentés, on constate en revanche un développement rapide du christianisme en Asie. Longtemps contenu en Chine, au Vietnam et ailleurs par des pouvoirs autoritaires, le christianisme s’est propagé de façon fulgurante ces dernières années dans la plupart des pays d’Asie orientale et du Sud-Est. On prévoit par exemple que dans une vingtaine d’années, il y aura plus de chrétiens que de bouddhistes en Corée du Sud.

En Malaisie, malgré le fait que l’islam soit la religion officielle du pays, sans être la religion d’État, les autres religions pratiquées dans le pays, telles que l’hindouisme, le bouddhisme et le christianisme sont en plein essor. On peut ainsi affirmer qu’actuellement en Malaisie, le christianisme est florissant. Les églises catholiques et les temples protestants sont remplis le dimanche par des Malaisiens de tout âge.

Une grande variété de religions

Et pourtant l’État ne facilite pas les choses. Ainsi s’il est facile d’agrandir une mosquée, il est beaucoup plus compliqué d’agrandir tout autre édifice d’une autre religion que l’islam, car les autorités ne voient pas d’un bon œil tout développement des religions autres que celle qui est officielle dans le pays. Malgré cela on remarque une véritable vitalité des chrétiens en Malaisie ainsi que dans les pays voisins comme Singapour, l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam, même si le contrôle étatique perdure : ainsi un Vietnamien a été condamné à vingt ans de réclusion selon l’ACAT. De plus, certains aspects sont assez étonnants : ainsi le quartier de Brickfields, situé au sud-ouest de Kuala Lumpur, la capitale économique du pays concentre dans un rayon de 2 km autour de la gare centrale de la ville, plus d’une vingtaine d’édifices religieux.
On peut en dresser la liste suivante. Il y a surtout des temples hindous, car c’est un quartier principalement indien, mais il y a aussi des temples bouddhistes et taoïstes, trois mosquées, et plus d’une demi-douzaine d’églises chrétiennes très actives. Ainsi le temple luthérien de la rue Sultan Abdul Samad offre quatre services tous les dimanches en fonction des différents publics qui le fréquentent : le matin en tamoul, puis en anglais, l’après-midi en indonésien, car il y a beaucoup de personnel de maison en Malaisie qui vient d’Indonésie, et enfin en anglais une deuxième fois.
On retrouve la même variété dans un temple indien qui offre des services en tamoul et dans une autre langue indienne, en télougou. De plus, certains temples indiens se trouvent très rapprochés. Ainsi dans une rue de ce quartier, la rue Scott, on remarque trois temples indiens contigus. Chaque fidèle peut choisir le lieu où il tient à faire ses dévotions. Si Paul avait remarqué de nombreuses idoles et en particulier une idole pour un dieu inconnu à Athènes (Actes 17.23), le voyageur est également surpris de l’abondance et de la variété d’édifices religieux qu’il constate dans ce quartier de Kuala Lumpur.
 
Le temple indien de Batu Caves dans la banlieue nord
de Kuala Lumpur, en Malaisie © Laurent Metzger

Et d’édifices

On doit aussi signaler que si les temples indiens sont les plus décorés, si les temples chinois privilégient toujours la couleur rouge, les mosquées et les lieux de culte chrétiens sont les plus sobres dans leur apparence. Les mosquées peuvent être elles aussi variées : dans ce quartier de Brickfields, outre la mosquée nationale, construite en 1965 et agrandie depuis, il y a aussi une mosquée indienne, Madrasatul Gouthiyyah. En fait à Kuala Lumpur, il y a une autre grande mosquée indienne et une mosquée pakistanaise. Le vendredi à midi en Malaisie, il est facile de savoir où il y a une mosquée, puisque les talus et les trottoirs sont envahis de voitures aux abords immédiats d’un tel édifice. On peut ainsi remarquer certaines caractéristiques. Tout d’abord si on veut entrer dans tous les édifices religieux du pays, il faut toujours se déchausser au préalable sauf dans le cas des églises chrétiennes. Le plus souvent, on constate des marchands du temple aux abords de ces édifices. En ce qui concerne les temples indiens, les marchands proposent des guirlandes de fleurs que les fidèles déposeront dans le sanctuaire. Dans le cas du temple chinois taoïste, Thean Hou (temple de la déesse du paradis), les marchands proposent de la nourriture et surtout des boissons, car il fait toujours chaud et humide en Malaisie.
Néanmoins il n’y a pas de marchands à côté des mosquées et des églises. Les fidèles ont leurs habitudes. Ainsi en ce qui concerne les temples indiens, ils viennent de préférence tôt le matin ou en fin d’après-midi, car il n’y a pas de services à heure fixe à la différence des mosquées et des lieux de culte chrétiens. Bien souvent, des écoles sont adossées à ces édifices religieux.

Accessibles à tous

On peut ainsi signaler l’école nationale méthodiste tamoule située à côté de l’église de la même dénomination. En outre dans ce quartier il y a une grande école secondaire qui porte le nom de La Salle. Les Frères des écoles chrétiennes ont en effet fondé tout un réseau d’écoles dans le monde entier à la suite du fondateur à Reims, Saint Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719). On compte actuellement plus d’un million d’élèves dans ces établissements encadrés par 4500 frères répartis dans 78 pays.
On peut bien entendu se demander ce qui pousse les Malaisiens de toute condition, puisque l’on constate que ce phénomène touche toutes les classes sociales, à fréquenter régulièrement les lieux de culte et cela d’autant plus que le pays constitue un exemple même de la civilisation matérialiste. On compte en effet de plus en plus de centres commerciaux ultra-modernes dans tout le pays qui offrent toute la palette des biens de consommation que l’on peut acheter partout. Sans doute, malgré un niveau de consommation élevé, pour les plus fortunés, ils considèrent que le matérialisme ne les satisfait pas pleinement et qu’ils ont besoin d’autre chose. Il ne s’agit pas là, il nous semble, de la foi du charbonnier, mais d’une quête bien plus profonde, d’où cette attirance pour les lieux de culte qui ne sont jamais, ou très rarement, fermés et donc accessibles à tous, à toute heure du jour, qu’ils soient fervents dévots, simples curieux ou touristes de passage. On remarque souvent leur visage rayonnant lorsqu’ils sortent de ces différents lieux de culte.
Que peut nous inspirer cet essor du christianisme actuel en Asie ? Est-ce que la situation est désespérément sombre en ce qui concerne les pays occidentaux cités ci-dessus ? Nous ne le pensons pas, car on sait bien que les mouvements religieux connaissent tous des hauts et des bas. Il suffit de lire les travaux de l’historien britannique Arnold Toynbee (1889-1975) pour se rendre compte qu’effectivement les religions tendent à progresser puis à décliner en fonctionnant ainsi par cycles. On peut ainsi conclure qu’un jour on verra se développer le christianisme en Europe et pas seulement chez les charismatiques, évangélistes ou les pentecôtistes !

La mosquée sultan Salahuddin Abdul Aziz, à Shah Alam en Malaisie © Laurent Metzger
Laurent Metzger

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