Cinéma

Roubaix, une lumière

02 septembre 2019

Roubaix, une lumière, un film d’Arnaud Desplechin. Sortie le 21 août 2019, 1h59.

En totale rupture apparente, son dernier film, en sélection officielle à Cannes, fait place au réel social le plus sordide, dans sa ville natale où 45 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. À Roubaix, un soir de Noël, le charismatique commissaire Daoud, qui connaît parfaitement son métier et sa ville et cherche comme Maigret à comprendre plus qu’à juger, enquête sur les affaires courantes habituelles. Aidé de Louis, son jeune lieutenant fraîchement diplômé, il va se concentrer sur le meurtre d’une vieille femme de 83 ans, étranglée et étouffée à son domicile. Les voisines de la victime, Claude et Marie, sont arrêtées. Elles sont amantes, alcooliques et toxicomanes.

Admirateur du Faux coupable de Hitchcock, l’auteur s’est inspiré du documentaire Roubaix commissariat central de Mosco Boucault relatant les étonnantes confessions d’un couple de jeunes filles après leur crime perpétré, à Roubaix en 2002, pour dissimuler un cambriolage minable. Partant de ce matériau réel, Desplechin, dans une fiction qu’il juge politique, l’éclaire – le transfigure ? – par le personnage lumineux et serein de Daoud, humaniste à la dimension véritablement spirituelle dont Roschdy Zem donne une interprétation bouleversante. La mission cachée que Daoud, en quête des âmes, s’est fixée dans l’univers de détresse qui l’environne est de réintégrer ses frères pêcheurs dans l’humanité. On le voit écouter religieusement les suspects qu’il interroge dans le but de faire surgir leur part de lumière. Soumises à un interrogatoire minutieux, chacune de leur côté puis ensemble, Claude et Marie, ces deux amoureuses – vertigineux visages éperdus de Léa Seydoux et de Sara Forestier –, rappellent le tandem meurtrier de La Cérémonie de Chabrol. Mais ici, au cours de la reconstitution d’un crime que la détresse humaine et sociale a rendu possible, c’est l’accouchement douloureux de la vérité qui nous est montré dans un film déconcertant, mais fascinant.

Jean-Michel Zucker

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