Femmes protestantes (8)

Suzanne de Dietrich (1891-1981) et la Cimade

01 octobre 2018

Tous les mois, nous partons à la rencontre d’une femme qui marqué l’histoire du protestantisme par son engagement, son charisme et ses idées novatrices. Éducation, théologie, santé, nous retrouvons ces femmes dans leur quotidien de foi.

Suzanne naît la dernière des cinq filles du baron Charles de Dietrich, à Niederbronn, en Alsace alors allemande. Comme son père et plusieurs sœurs, elle souffre de malformations physiques (bras trop courts, difficulté à marcher, très petite taille). Paradoxe : malgré tout Suzanne voyagera beaucoup, aura une vie fort active. Elle ne va pas à l'école mais est prise en charge longtemps par une pédagogue et auxiliaire de vie. Elle perd sa mère à 9 ans et son père à 15 ans.

(© DR)

 

Une femme d’avant-garde

Il lui est alors proposé, pour pouvoir reprendre la direction de l'entreprise familiale, de faire des études scientifiques à Lausanne. Intelligente et travailleuse, elle sort, en 1913, l'une des premières filles portant le titre d'ingénieur ; mais elle n'exercera pas le métier. Elle s'est engagée dans la Fédé (Fédération des Associations chrétiennes d'étudiants) et deviendra peu à peu dans ce mouvement non seulement une animatrice, mais aussi une spécialiste de l'étude biblique. C'est encore un paradoxe : elle n'est pas théologienne de formation, mais est l'initiatrice de ce qu'elle nomme « le Renouveau biblique ». Un autre livre (de 1945), Le Dessein de Dieu, traduit en plusieurs langues, connaît un grand succès, y compris chez les étudiants des facultés catholiques. Elle est aussi l'un des artisans de l'essor œcuménique en France. En effet, elle a appris à bien connaître la pensée orthodoxe en s'occupant pendant la Guerre de 1914-18 de l'accueil des étudiants et étudiantes réfugiés russes. Puis, au contact du théologien Paul Evdokimov, elle a été nourrie de la spiritualité du père Pierre de Bérulle, et marquée par la théologie de Karl Barth qui se répand alors en France.

 

Le temps de la guerre

En 1939, quand la déclaration de la guerre provoque le déplacement vers la Dordogne de la population de Strasbourg et de la région frontalière, Suzanne de Dietrich avec son expérience comprend que ces Alsaciens, souvent protestants, qui parlent un dialecte proche de l'allemand, doivent être accompagnés. C'est la création de la Cimade (Comité inter-mouvement auprès des évacués), constituée d'équipes de responsables des divers mouvements de jeunesse, surtout des filles, les hommes étant mobilisés. Les Alsaciens n'ont pas besoin d'aide longtemps, les équipières se mobilisent pour d'autres tâches d'entraide, dans les camps de concentration du sud-ouest de la France (Gurs, Rivesaltes...) où l'État français a regroupé des réfugiés étrangers : Espagnols, Juifs ayant fui le régime nazi. Nous reprendrons l'histoire de la Cimade au sujet de Madeleine Barot qui en fut la cheville ouvrière.

 

De la Cimade au COE

Revenons à Suzanne. Pendant la guerre, elle est en Suisse au centre d'un réseau de correspondances dans le cadre du futur Conseil œcuménique des Églises. Elle participe en 1948 à l'événement fondateur de cette institution septuagénaire depuis août dernier !

Jusqu'à sa retraite elle dirige le centre œcuménique de formation créé à Bossey, près de Genève.

Elle voyage encore beaucoup après sa retraite, pour enseigner ou former des animateurs bibliques partout dans le monde. Elle termine sa vie chez les diaconesses de Strasbourg.

Outre ses nombreux travaux sur la Bible, elle a écrit deux livres de méditation et de louange : L'heure de l'offrande (1937) et L'heure de l'élévation (1966).

En savoir plus

Biographie : Hans-Ruedi Weber, Suzanne de Dietrich (1891-1981) - La passion de vivre, Olivétan, 1995, 288 p., 12 €.

Marjolaine CHEVALLIER,
maître de conférence honoraire à la faculté de théologie de Strasbourg

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