Synode régional Sud-Ouest

Thèses Ecologie : quelle(s) conversion(s) ?

29 novembre 2019

Adoptées par le synode régional de l'Eglise protestante unie en Sud-Ouest, les 22, 23, 24 novembre 2019 à Toulouse. Les douze thèses qui vont être transmises au conseil national.

Thèse 1. Ouverture.

En matière d’écologie, nous sommes convaincus que l’analyse du lien entre les sociétés humaines et leur environnement implique une réflexion critique sur les modèles économiques qui sont les nôtres et sur nos propres responsabilités sociales et politiques.

Le dérèglement climatique, l’effondrement du vivant, les pollutions multiples, sont désormais perceptibles à nos sens et la crise écologique se couple avec une crise sanitaire sans précédent1.

Dans le NT, le mot grec crisis désigne l’action de juger. Juger ce n’est pas que condamner c’est aussi rétablir des équilibres, remédier à des situations chaotiques. Nous croyons que notre temps est celui de la décision, pas celui de l’inaction ou du silence2.

 

Thèse 2. Distinguer Nature et Création.

Il apparaît essentiel de savoir distinguer pour notre débat « nature » et « création ». Dans les premiers chapitres du livre de la Genèse, que presque toutes les églises ont convoqué pour nourrir leur réflexion, la création traduit un agir et un dire de Dieu qui dépasse les déterminismes naturels. Confesser un Dieu créateur, c’est croire en un Dieu qui ordonne, sépare, fixe des limites pour faire advenir la vie et la maintenir.

La nature définie comme le monde physique, comme l’ensemble des choses et des êtres, n’est pas la création. La nature, reflet de la gloire de Dieu, nous invite à la contemplation et à la louange, cependant la nature est aussi porteuse d’expériences « chaotiques ». C’est pourquoi, nous rejetons tout discours qui sacralise la nature.

Reconnaître dans la nature la création de Dieu est un défi pour la foi.

Thèse 3. La création est un don.

Fruit de la volonté, de l’action, de la parole de Dieu, la création est un don.

Affirmer cela c’est reconnaître que la création dit avant toute chose une réciprocité.

Par son désir de relation avec l’humanité, Dieu veut nous associer à son œuvre créatrice dans un constant appel à la rédemption et à la conversion.

Faire vivre le lien avec le Créateur, c’est honorer la pluralité du vivant.

 

Thèse 4. La responsabilité centrale de l’être humain.

Nous assumons l’anthropocentrisme biblique qui donne à l’être humain une place singulière au sein du monde créé.

L’être humain, du point de vue biblique, a une responsabilité centrale.

Sa vocation est de servir la terre, la cultiver, la défricher, la préserver, certainement pas l’exploiter dans le sens d’un accaparement. Il n’en est ni le possesseur, ni le maître. « Tout est à toi, Maître, ami de la vie » Sg 11, 26.

 

Thèse 5. La liberté de l’être humain.

La création ouvre à la responsabilité et à la liberté. C’est pourquoi nous croyons qu’il existe une autonomie de l’histoire humaine et un pouvoir réel de l’homme. C’est la question même du psalmiste : Qu’est-ce que l’homme pour que tu t’en souviennes et que tu lui donnes le pouvoir sur l’œuvre de tes mains ? (Ps 8,7).

Sans jamais pouvoir remettre en cause l’alliance de Dieu envers sa création, nous gardons cependant la liberté de nous soustraire à notre vocation.

C’est pourquoi, tout en prenant conscience de l’importance de nos choix, individuels et collectifs, nous rejetons les discours des théologiens et des religieux qui déclarent que Dieu résoudra tout problème abandonnant alors toute responsabilité humaine.

 

Thèse 6. Le respect du monde animal.

Pour repenser une éthique de la responsabilité aux dimensions de l’écologie, il faut aussi reconsidérer le traitement que nous réservons aux animaux. Celui-ci, dans nos sociétés « techniciennes » (Cf Jacques Ellul) n’a jamais été aussi douloureux. Il suffit pour s’en convaincre de regarder vers l’élevage industriel où les vaches, les porcs, les poulets, enfermés par milliers, ne voyant ni le ciel ni la terre, sont transformés en unités numériques.

L’image de la terre promise où coulent le lait et le miel nous fait entendre qu’il n’y a pas de devenir humain sans présence animale et que tous les êtres vivants sont interdépendants.

Cette conviction interroge directement notre façon de nous alimenter.

 

Thèse 7. Dénoncer les idoles de notre temps.

Au nom de notre foi en Jésus Christ, le Crucifié et le Ressuscité, en qui nous plaçons toute notre confiance, il ne nous est plus possible d’abandonner le monde au jeu des puissances économiques qui le détruisent. Si, fondamentalement, nous sommes appelés à vivre notre liberté d’enfants de Dieu, il est de notre devoir de dénoncer les « idoles de notre temps » qui entravent nos libertés, menacent notre vie intérieure et s’opposent au projet de Dieu à savoir « que tous aient accès aux bénédictions du monde créé, que tous aient la vie en abondance ». (Jean 10,10).

C’est pourquoi, nous refusons de nous soumettre au « marché aujourd’hui divinisé », au fantasme morbide de la « croissance illimitée », à l’inflation de la technique, à ce système de besoins toujours en expansion qui nous rabaissent au rang de consommateurs dévots, au « libre-échange intégral » qui accroît les inégalités sociales et détruit l’environnement, à ce capitalisme sans freins dont la seule finalité est la maximalisation des profits dans le temps le plus court. Nous pensons avec Pier Paolo Pasolini que « Si les fautes de l’Eglise ont été nombreuses et graves dans sa longue histoire, la plus grave de toutes serait d’accepter passivement un pouvoir qui se moque de l’Evangile ».

 

Thèse 8. Les champs d’action de l’Eglise.

Nous croyons que notre Eglise, en tant que sujet collectif, est appelée à faire signe de l’espérance inaliénable qui lui a été donnée en Jésus Christ.

En approfondissant les enseignements bibliques, en vivant le temps du dimanche comme un temps de shabbat où Dieu nous invite à habiter le temps différemment, à nous réjouir des délices de sa création (Esaïe 58, 12-14), en stimulant la réflexion éthique, en inventant de nouvelles solidarités avec celles et ceux qui sont abandonnés sur le chemin de la mondialisation « heureuse », pensons ici aux migrants climatiques qui sont jetés sur les chemins de l’exil, en veillant à prendre part dans le débat public, en intervenant par des prises de position fortes vis-à-vis des pouvoirs publics, nous croyons que l’Eglise, les associations, les oeuvres, les mouvements protestants, doivent devenir un levier de transformation sociale.

Ses champs d’action sont multiples et peuvent se vivre dans une perspective œcuménique.

Un des champs d’action pourrait être le style de vie pratiqué par les églises locales lorsque ses membres se réunissent pour agir ensemble, pour exemple : se désintoxiquer de l’esprit de consommation, économiser l’énergie, favoriser les transports en commun, se nourrir de produits compatibles avec la protection de l’environnement, réduire et recycler nos déchets, …

Un autre champ d’action pourrait être la promotion d’œuvres et d’associations qui restent authentiquement sans but lucratif, soutenir la « Fondation Raulhac », l’association internationale « A Rocha », le mouvement des Eclaireurs et Eclaireuses unionistes de France, les communautés monastiques protestantes, mais encore favoriser les modèles économiques à taille humaine, favoriser les circuits courts production-consommation, plaider pour l’autonomie d’exploitations agricoles familiales et pour le maintien d’une agriculture paysanne…

Être chrétien c’est accueillir une promesse de vie qui nous engage sur la voie d’un avenir toujours ouvert, c’est pourquoi, nous voulons nous engager à renouveler et restaurer l’économie et la terre. Nous nous engageons à choisir la vie afin que nos descendants et nous puissions vivre (Dt 30,19).

 

Thèse 9. La question du surpeuplement.

L’expansion démographique au plan mondial participe à la pression sur l’environnement.

Nous dénonçons une interprétation littérale de l’appel biblique à « croître et multiplier ». La parole de Dieu en Genèse 1, 28 doit s’entendre non pas comme une prescription nataliste mais comme une parole de vocation qui nous envoie dans le monde pour maintenir la vie et la faire fructifier au nom du Dieu d’Amour.

 

Thèse 10. Responsabilité et devoir du chrétien.

Chaque chrétien est responsable de s’engager devant Dieu et son prochain, dans son quotidien et sa vie publique pour la sauvegarde de la création de Dieu. Il est du devoir de chaque chrétien de collaborer individuellement et collectivement avec les femmes et les hommes de bonne volonté quelle que soit leur appartenance culturelle (Déclaration de Fribourg). Même si la situation écologique est grave, les chrétiens se doivent d’être porteurs d’espérance en Dieu pour l’humanité.

 

Thèse 11. Envoi.

Nous prenons acte de la crise écologique comme étant une crise de civilisation, une crise du sens qui interroge l’organisation et l’orientation de nos sociétés. C’est aussi une crise spirituelle qui bouscule notre vie intérieure.

Les conditions de vie se dégradent. Face à ce qui représente un drame pour une grande part de l'humanité, face à l'aggravation tendancielle, et souvent irréversible à l’échelle de plusieurs générations, nos communautés ecclésiales se retrouvent sous la nécessité d'un triple mouvement :

  • Le premier mouvement consiste à prendre l'indispensable recul face à la société technicienne (Cf Jacques Ellul) qui nous absorbe de mille contraintes pratiques mais aussi mentales en dictant ses « idolâtries ».

  • Le deuxième mouvement consiste à se rappeler à la condition paradoxale du chrétien qui, sans être du monde, se doit de vivre au cœur du monde, de participer à la nouvelle création qui advient. Se rappeler aussi que ce monde n’est pas un matériau expérimental à notre disposition mais l’espace d’une traversée et l’opportunité d’une rencontre avec Celui qui se tient avec nous tous les jours jusqu'à la fin du monde ».(Matthieu 28 ,20)

  • Le troisième mouvement consiste à repenser ce que peut et doit être le bien commun soutenable à l'échelle planétaire. C'est en termes d'équité et de tempérance que se jouent les défis auxquels nous sommes confrontés.

C’est parce que la grâce est première, c'est parce que nous sommes libérés et au bénéfice d'une promesse que nous pouvons répondre, dans une humilité absolue, à cet appel qui trace le chemin du sens et de l'action.

Ephésiens 2,8-10

« C’est par la grâce, en effet, que vous êtes sauvés par le moyen de la foi ; vous n’y êtes pour rien c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des œuvres, afin que nul n’en tire fierté. Car c’est Lui qui nous a faits : nous avons été créés en Jésus Christ pour les œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous nous y engagions. »

 

12 Proposition d’action.

Il est proposé aux synodaux de mener une action : l’envoi d’une lettre aux élus.

Lettre à envoyer

à la présidence de la République Française

aux présidences de Région Occitanie et Nouvelle Aquitaine

à la présidence du conseil départemental

aux députés et sénateurs de chaque département de notre région ecclésiale

aux maires

 

Madame, Monsieur

 

L’Eglise protestante unie de France en Sud Ouest vient de se réunir en synode pour travailler sur le thème « Ecologie : quelle conversion ? ».

 

Voici nos convictions : Dieu se soucie de toutes ses créatures. Il nous appelle, avec d’autres artisans de justice et de paix, à entendre les détresses et à combattre les fléaux de toutes sortes : inquiétudes existentielles, ruptures sociales, haine de l’autre, discriminations, persécutions, violences, surexploitation de la planète, refus de toute limite. (Cf Déclaration de foi de l’Eglise Protestante Unie de France)

 

Nous intervenons auprès de vous, nous vous demandons instamment de replacer l’humain et le vivant d’une manière générale au cœur de vos préoccupations.

Localement l’Eglise de … attire plus particulièrement votre attention sur ….

 

Formule de politesse.

 

Envoi massif par tous les délégués au synode.

1 Selon l’OMS, 62% des cancers ont une cause alimentaire et environnementale et selon « Santé Publique France », la pollution atmosphérique provoque 48000 décès prématurés par an.

2Contredisant ici les positions défendues dans le livre « L’agitation et le rire » contribution critique au débat « Justice, paix et sauvegarde de la création ».

« Gardons-nous de prétendre que notre foi nous tient lieu de motivation, de connaissance et de compétence pour intervenir dans une œuvre entreprise par des gens compétents et de mieux en mieuxorganisés » p. 86 « Et si aujourd’hui le parti de l’humour et le choix explicite du silence n’étaient pas une façon parmi d’autres pour nos églises d’actualiser l’Evangile de Jésus Christ ? » p.96

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