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Un monastère bénédictin en pays huguenot

01 décembre 2019

Si vous vous promenez dans le sud des Deux Sèvres, dans le triangle Saint-Maixent – Celles-sur-Belle – La Mothe-Saint-Héray, en bordure de la forêt de l’Hermitain et à quelques kilomètres du musée protestant de Beaussais, vous serez tout près du monastère de l’Annonciation de Prailles, mais la pancarte est si discrète que vous risquez de passer votre chemin.

En octobre 1999, après une longue réflexion, les sœurs bénédictines de Saint-Julien-l’Ars près de Poitiers ont décidé de partir s’installer dans le sud des Deux-Sèvres à Prailles au lieu-dit Pié-Foulard dans le pays Mellois.

Un fort désir d’œcuménisme

Pour sœur Marie, prieure du monastère, « elles ont été conduites par l’Esprit » dans cette zone délaissée du diocèse, au cœur d’une région fortement marquée par les guerres de Religion. Cette nouvelle implantation a suscité étonnement et crainte chez quelques catholiques et protestants connaissant l’histoire et les vieux conflits de ces lieux… mais les sœurs sont venues avec un fort désir d’œcuménisme.
En signe d’unité et de « non conquête », quatre sœurs ont fait le chemin à pied entre Saint-Julien-l’Ars et Prailles accompagnées de quatre diaconesses de Reuilly, hébergées chaque soir par des familles catholiques ou protestantes.
L’église du monastère construite dans une magnifique grange est simple pour que tous s’y sentent bien ; ni clocher ni cloches qui puissent s’entendre de loin et troubler le silence de la campagne !
La vie des sœurs est rythmée par la prière enracinée dans la Parole de Dieu, le travail dans l’imprimerie où elles sont « revenues » à la typographie, technique plus manuelle et plus créative, et l’hospitalité.
Le monastère de Pié-Foulard est un lieu retiré mais accessible, noyé dans une belle nature où seuls les oiseaux habitent le silence.

Un œcuménisme de « voisinage »

L’aube pascale, depuis 2001, réunit, avant le lever du soleil, catholiques et protestants qui convergent en silence par les chemins du bocage vers le monastère où à 7 heures, environ 200 personnes se retrouvent pour célébrer dans la joie et par les Alléluias, la Résurrection du Christ. Un petit déjeuner est partagé avant le retour de chacun dans sa paroisse respective.
Le 31 décembre, en attendant la nouvelle année, les sœurs proposent la lecture d’un livre de la Bible. La TOB passe de main en main, la lecture étant ponctuée de prières et de chants. La soirée se termine par un repas partagé.
Le Secours solidarité entraide, créé à l’initiative de la communauté avec l’aide de l’Entraide protestante du Pays Mellois et le Secours catholique, accompagnent et apportent une aide matérielle et morale aux personnes en difficulté. C’est ainsi que fut mis en place le microcrédit.
Les sœurs, soucieuses de l’écologie et de la préservation de la planète, ont contribué au projet de la mise en place du Clic paysan, une fédération de maraîchers qui vendent leurs produits bio en circuit court
En 2017, pour les 500 ans de la Réforme, Pascale Renaud-Grobras, pasteure à Niort à l’époque, et les paroissiens ont demandé qu’un pin parasol – arbre emblématique du protestantisme – soit hébergé (c’est le terme employé) à Pié-Foulard.
Loin du bruit de la ville, dans une nature préservée, où règne le silence, les sœurs ont souhaité que leur présence soit un « signe de paix et de réconciliation ». Dans cette région du Poitou, le monastère est un lieu de réflexion, d’échange et de partage, d’écoute et d’accueil.
Pour reprendre les paroles de sœur Marie, « il est important de travailler ensemble, de demeurer ici malgré notre fragilité, et d’être une petite lumière ». . .

Maryvonne Mordelet

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