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Un silence qui parle

01 décembre 2018

À Poitiers, des hommes et des femmes se tiennent en cercle devant l’église Notre-Dame-la-Grande. Aucun d’eux ne parle, ils font silence.

Pourquoi se taire devant les traitements quelquefois dégradants des migrants, devant des conditions de détention dans les centres de rétention administrative parfois inhumaines, devant les obstacles qui visent à rendre plus difficile l’obtention de titre de séjour pour des familles entières ? Mais ce silence parle. Ils sont 25 à 30 tous les 3e mercredi du mois (une soixantaine de personnes en tout y participent plus ou moins régulièrement), bénévoles des différentes associations parties prenantes dans ce projet.
À l’initiative des franciscains de Toulouse pour protester contre l’enfermement des sans-papiers dans les centres de rétention administrative, le mouvement des Cercles de silence a fêté cette année son dixième anniversaire. À Poitiers, c’est l’Acat qui a repris l’idée et depuis octobre 2010, les participants forment un grand cercle silencieux devant la plus belle église romane du Poitou.

© Daniel Schoenenberger

Deux ou trois des manifestants gravitent autour du cercle pour parler aux passants qui s’interrogent. Les badauds regardent les sculptures de la façade. Beaucoup s’intéressent à ces hommes et femmes sandwichs qui parlent des conditions de vie des migrants, beaucoup ont un regard bienveillant, quelques-uns des sourires amusés devant le côté dérisoire de la ronde de ces gentils utopistes. Certains provocateurs coupent le cercle parce qu’ils ne veulent pas voir, d’autres contournent avec respect, nous dit Pierre Charrier, responsable de l’Acat à Poitiers. Ceux qui entrent dans le cercle dix minutes avant la fin auront vécu une expérience de solidarité dont ils parleront à leurs collègues, leurs amis, leurs enfants. L’objectif n’est-il pas celui-là ? Que la parole naisse du silence, qu’une lumière reste allumée, et que la non-violence réponde à la dureté des sociétés qui veulent rejeter les migrants à la mer.

Stéphane Griffiths

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