Cinéma

Une saison en France

01 mars 2018

Avec ce film et sa propre mémoire de l’exil, le grand réalisateur tchadien installé en France depuis 1982 aborde l’actualité brûlante des demandeurs d’asile. Délaissant le parcours spectaculaire des migrants, il préfère raconter le vécu quotidien des réfugiés et approcher sa caméra de visages devant lesquels nous détournons trop souvent les yeux, pour capter avec empathie l’expression de leurs souffrances et de leurs angoisses.

 

Avec ce film et sa propre mémoire de l’exil, le grand réalisateur tchadien installé en France depuis 1982 aborde l’actualité brûlante des demandeurs d’asile. Délaissant le parcours spectaculaire des migrants, il préfère raconter le vécu quotidien des réfugiés et approcher sa caméra de visages devant lesquels nous détournons trop souvent les yeux, pour capter avec empathie l’expression de leurs souffrances et de leurs angoisses.

Abbas, professeur de français en Centrafrique, a fui la violence de la guerre civile et vit depuis près de deux ans en France avec ses deux enfants, scolarisés, Yacine 11 ans, l’introverti et Asma 8 ans, la pétulante. Il travaille sur un marché où il a rencontré une fleuriste, Carole, lumineuse Sandrine Bonnaire, dont le sourire lui a redonné l’espoir. L’intégration de cette famille francophone a tout pour réussir, favorisée par l’accueil de cette Française généreuse, sensible au courage d’un homme encore hanté par les fantômes de son passé.

Le film commence de façon significative par un cauchemar récurrent d’Abbas. Ce passé contamine son présent précaire, fait d’attente puis de menaces d’arrestation après le rejet de sa demande d’asile, sèchement signifié par une administration sans visage. Arraché une seconde fois à sa vie, il n’aura plus qu’à partir à nouveau ou basculer dans la clandestinité. Baigné dans l’attachante musique du sénégalais Wasis Diop, le déroulement poignant de ce fragment de vie d’un réfugié ne fait aucune place au pathos ni au spectaculaire. On est frappé par la justesse du ressenti des personnages pris dans un impitoyable destin jalonné de quelques oasis : un appartement prêté, des paroles et des gestes solidaires, le long et beau plan fixe de l’anniversaire de Carole où une famille se recompose et veut croire à son avenir.

On a rarement dépeint, avec une telle force, cette réalité douloureuse et humiliante d’êtres sans feu ni lieu, dépouillés de tous droits humains, qui tentent de survivre matériellement, affectivement et moralement.

 

En savoir plus

 

Une saison en France, de Mahamat Saleh Haroun, sortie le 31 janvier 2018, 1 h 40.

Jean-Michel ZUCKER,
ProFil

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