Cap au large

Une Semaine sainte en andalousie

01 avril 2020

Deux ans après l’Islande, votre rédactrice en chef a repris la route des vacances, mais cette fois-ci direction plein sud, pour un périple d’une semaine en Andalousie. Fait du hasard, cette semaine-là était la Semaine sainte…

La place d'Espagne à Séville © Élisabeth Renaud

Mon mari et moi n’avions pas calculé d’aller en Espagne en pleine Semaine sainte et nous ne nous attendions pas à ce que nous allions voir, malgré les commentaires et les quelques photos de notre guide touristique.
Nous avions opté pour le tout transport en commun. Dans le car nous amenant de l’aéroport à Séville, un aimable Espagnol, entendant nos interrogations sur notre destination, nous a pris en charge. Il nous a laissés au coin d’une rue. Nous étions dans la bonne direction.

Des pasos richement décorés

Et c’est là qu’au détour d’une avenue nous sommes tombés sur notre première procession. Une plateforme (paso), sur laquelle trônaient deux sculptures en bois grandeur nature, dominait une foule compacte. L’une représentait Jésus portant une croix et l’autre l’aidait à la porter. Le paso était porté à dos d’homme. Un orchestre accompagnait le cortège. Le temps de prendre une photo et nous avons quitté rapidement cette foule dense.
Tous les matins, nous partions à pied rejoindre l’hypercentre de Séville. Sur notre chemin, nous passions devant plusieurs églises ouvertes.
La curiosité nous poussait à l’intérieur. Nous avons découvert les pasos, immenses et richement ornés de dorures, moulures et étoffes précieuses, représentant les scènes de la Passion. Ils étaient entreposés là pour la nuit.

 
La première prossession que nous avons croisée © Élisabeth Renaud

 

Dans l’après-midi les soixante confréries, dont certaines accueillent des femmes, sortent les pasos pour se diriger vers la cathédrale. La procession avance lentement et s’arrête tous les dix mètres afin de permettre aux hommes portant les pasos de se reposer. C’est un honneur d’être porteur. Les heureux élus sont triés sur le volet plusieurs mois à l’avance. On reconnaît les Andalous à leurs habits endimanchés, costumes sombres pour ces messieurs et robes soyeuses pour ces dames. Les enfants sont aussi bien habillés que les adultes, costume et cravate pour les garçons, robe en dentelle pour les filles.

Des pénitents inquiétants

Les pénitents et leurs inquiétants costumes © Élisabeth Renaud

La première fois que nous avons vu une procession, nous ne les avions pas aperçus. Mon mari les a surnommés les fantômes. Habillés de robes de différentes couleurs selon les confréries et coiffés d’un immense cône rappelant de manière inquiétante les costumes du Ku Klux Klan, les pénitents ou nazarenos accompagnaient les processions. Notre petit guide touristique nous apprendra que le Ku Klux Kan s’est inspiré de ces costumes plus tard. Comme les porteurs, être pénitent est un honneur. Nous avons vu également des enfants pénitents.
J’étais sous le charme. Toute cette ferveur me laissait admirative. Moi, la protestante pure et dure, aurais pu être consternée, voire exacerbée. Eh bien pas du tout ! Cet engouement m’a réjouie. Il y a quelques années, cela n’aurait sans doute pas été le cas, mais la France est devenue un pays tellement laïcard qu’une infime démonstration de religion sera bientôt totalement proscrite (crèches, sapins de Noël…). Et si au détour d’une conversation on découvre qu’une personne est croyante (catholique ou protestante), on s’en réjouit comme si c’était extraordinaire.

De somptueux monuments

Mais nous n’avons pas vu que des processions à Séville, la somptueuse place d’Espagne nous a éblouis. Conçue pour l’Exposition ibéro-américaine de 1929, la place a coûté très cher à l’Espagne et l’exposition n’ayant pas attiré les foules, les retombées économiques n’ont pas été à la hauteur des investissements. Ce n’est que pour l’Exposition universelle de 1992 que le succès a été au rendez-vous et que la place a été visitée et admirée par un large public.

L'Alcazar à Séville © Élisabeth Renaud
  Un autre monument était à visiter à Séville : l’Alcazar. Un somptueux palais fortifié construit par une dynastie arabe, durant la période musulmane (712-1248). Nous avons appris que la famille royale d’Espagne utilisait encore récemment l’étage, mais à l’instar des chefs d’État de passage, préfère aujourd’hui l’hôtel cinq étoiles Alphonse XIII.
Nous n’avons malheureusement pas pu visiter la cathédrale. Semaine sainte oblige, elle était fermée au public. Dans l’après-midi, des chaises pliantes étaient installées sur le parvis. La location pour la semaine, de 700 à 1000 € suivant l’emplacement, nous a semblé exorbitante et démesurée, mais apparemment pas pour les Espagnols puisqu’elles étaient toutes occupées.

Une petite visite de la ville par un guide français nous a appris que, l’été, les températures montaient jusqu’à 50 degrés. « Il n’y a que les touristes pour se balader par de telles chaleurs », nous a-t-il dit en riant. « Les Sévillans restent cloîtrés chez eux jusqu’en début de soirée. Mais moi, je suis bien obligé de sortir pour faire les visites ! ». Pour nous, heureusement, un joli 28 degrés et un magnifique soleil nous ont accompagnés tout le long de notre séjour à Séville. Nous avons aussi assisté à un spectacle de flamenco dans une ambiance intimiste. La petite salle comble nous a propulsés au-devant de la scène. La danseuse, le chanteur et le guitariste faisaient le spectacle pour nous. C’est là que nous avons découvert que Notre-Dame de Paris brûlait. La France était en émoi. Nous aussi. Finalement, la fibre religieuse était également présente de l’autre côté des Pyrénées !

Une cité palatine

L'Alhambra à Grenade © Élisabeth Renaud

Le soir, nous terminions notre périple par une dégustation de tapas, petits plats accompagnés d’un verre de vin. L’ambiance était au rendez-vous. De retour à notre appartement, il fallait se frayer un passage à travers les ruelles étroites parmi une foule compacte et bruyante. Nous passions vite notre chemin, après avoir quand même admiré les pasos.

La deuxième ville de notre escapade a été Grenade que nous avons rejointe en train. Située à 738 mètres d’altitude, les températures ont soudain chuté et, le soleil s’étant éclipsé, les pulls et les blousons sont sortis prestement de nos bagages.
La visite de la prestigieuse Alhambra, cité palatine, s’est faite sous une pluie torrentielle, à notre grande déconvenue. Cette cité est composée de palais et de forteresses où logeaient les monarques. Pour accéder à l’un des monuments les plus visités d’Espagne, nous avions réservé quatre mois avant de partir. Nous espérions pouvoir le revisiter le lendemain sous le soleil, même en payant à nouveau, l’entrée n’étant pas excessive. Mais malgré notre sourire et une dure négociation, la réponse a été négative. C’était complet, archi complet ! Les magnifiques jardins nous ont consolés.
Notre voyage arrivait à sa fin. Les processions et l’ambiance festive andalouse nous ont accompagnés jusqu’à notre départ, veille de Pâques. Et nous avons fêté la résurrection du Christ dans une ambiance plus calme en France.

Élisabeth Renaud

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