Cap au large

Voyage en pays vaudois

01 mars 2020

Fin octobre, une délégation composée de treize membres de l’Église protestante unie d’Orléans, accompagnée de la pasteure Agnès Lefranc, est partie rejoindre l’Église vaudoise de Turin. Une participante raconte.

Le temple et le presbytère de Torre Pellice © Agnès Lefranc

Un an auparavant, à la même époque, nous avions reçu une douzaine de responsables de cette Église : membres du Conseil presbytéral, responsables de la diaconie, représentants du groupe de jeunes. Ce rapprochement avec l’Église vaudoise de Turin est né grâce à l’amitié unissant un conseiller d’Orléans à un membre de cette Église italienne. Après dix heures de voyage, nous arrivons à destination, nous recevons un accueil chaleureux… mais, très vite, il faut partir en direction de l’Église baptiste où les Églises protestantes de Turin sont réunies ce soir-là pour le culte de la Réformation. Nous chantons en italien, malgré une prononciation parfois approximative, nos cœurs s’unissent pour célébrer nos origines communes !

La naissance de l’Église vaudoise

Le lendemain, nous allons effectuer un périple dans les vallées vaudoises. Un brouillard fort et tenace ne nous permet pas vraiment de voir le relief du Piémont, mais nous découvrons néanmoins des endroits historiquement riches et souvent émouvants.
Lors de notre première étape, à Angrogna, nous visitons le musée des Femmes vaudoises, un petit espace qui veut garder le souvenir de la vie et l’activité de la femme vaudoise et de son importance dans la transmission de la foi aux générations futures.

 
Le groupe d'Orléans © Agnès Lefranc

Nous nous dirigeons ensuite, à travers bois, vers la Stèle de Chamforan, qui commémore l’endroit où les Vaudois, en 1532, décidèrent de leur adhésion à la Réforme.
Bien avant le XVIe siècle, un riche commerçant établi à Lyon, Pierre Valdo (ou Valdès, ou Vaudès) devient prédicateur de l’Évangile. À la suite d’une crise de conscience, il donne l’ensemble de ses biens et fonde le mouvement « Les Pauvres de Lyon ». Nous sommes en 1170. Valdo et ses « disciples » se considèrent alors comme de vrais catholiques, ils ne s’opposent pas à l’Église. En 1180, Valdo fait traduire une partie des évangiles en
franco-provençal. De là naîtra un véritable engouement pour la lecture et la propagation de l’Évangile en langue populaire.

Des siècles de persécutions

Mais l’Église catholique n’accueille pas avec bienveillance leur action et finira par les condamner comme dissidents et schismatiques (Pierre Valdo est excommunié au Synode de Vérone en 1184) puis en 1215, les Vaudois sont accusés d’hérésie. Valdo niait la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, il encourageait le sacerdoce universel, formant des hommes et des femmes à la prédication en langue populaire, il rejetait le culte des saints et les prières pour les morts… C’en était trop ! Excommuniés, les Vaudois vont alors subir des siècles de persécutions.
Ils se réfugieront tantôt dans les vallées alpines du Piémont, tantôt dans le Queyras ou encore le Dauphiné. Leurs idées se répandront un peu partout en Europe. Au XIIIe siècle, leur centre principal se situe en Lombardie, aux alentours de Milan, mais le valdisme s’étend ensuite vers l’Autriche et le sud de l’Allemagne, où ils auront de nombreux contacts avec les disciples du pré-réformateur Jan Hus. Ils essaimeront dans le Languedoc, dans le Luberon où ils s’installeront en nombre dès le début du XVe siècle. Travailleurs, ils vont faire prospérer les fermes qu’ils exploitent. Ils contribuent alors, par leur sérieux et leur témoignage au développement de la communauté vaudoise dans cette région. C’est là qu’en avril 1545, en l’espace de quelques jours, des villages sont incendiés, des fermes ravagées, 3 000 Vaudois sont tués, 670 hommes sont envoyés aux galères… Cette répression sanglante provoquera le fort déclin de l’Église vaudoise dans le Luberon.
Au XVIe siècle, ils sont très nombreux en Calabre (extrême sud de l’Italie), jusqu’au moment où l’Inquisition va décimer complètement les communautés vaudoises de Calabre.

Le centre mondial des Vaudois

Tout au long des siècles vont se succéder des périodes de répression qui alterneront avec des temps plus calmes, voire de liberté… cela en fonction de l’attitude des gouvernants.
Il faudra attendre les « Lettres patentes » du roi Charles-Albert de Sardaigne, du 17 février 1848, pour que soient rendus aux vaudois leurs droits civiques et politiques.
Depuis cette date, tous les ans, le 16 février au soir, les vallées vaudoises s’illuminent de feux de joie qui rappellent la concession de la liberté de conscience au peuple piémontais.
C’est toute cette histoire qui est retracée dans le Museo Valdese à Torre Pellice que nous visitons ce jour-là. Magnifique musée, récemment restructuré, dans cette cité qui est considérée comme le centre mondial des Vaudois. On trouve dans le quartier, le temple et la Casa Valdese que nous visitons. La Casa Valdese est le lieu où se tient chaque année le Synode de l’Union des Églises vaudoises et méthodistes d’Italie, un rapprochement de ces deux Unions d’Églises ayant eu lieu en 1975. Depuis, ils cheminent ensemble.
On trouve aussi dans le quartier vaudois : école, collège, lycée, hôpital, centre culturel… On aura compris le fort attachement aux origines et à l’identité vaudoises de Torre Pellice !

Un culte fraternel

Le lendemain, nos hôtes Giuseppe, Silvia et Maria-Cecilia nous accompagnent dans une visite guidée de Turin. Nous nous déplaçons en bus et en tramway pour aller de lieu en lieu. Nous découvrons non seulement les lieux historiques vaudois, mais également une ville aux larges avenues, aux places immenses bordées de palais somptueux.
En fin d’après-midi, nous avons rendez-vous, dans les locaux spacieux du temple, avec des représentants des services de diaconie. Nous sommes impressionnés par les moyens dont ils disposent : de quoi faire pâlir d’envie les responsables de l’Entraide et de la Cimade présents dans notre groupes !

Le temple de Turin © Agnès Lefranc
 

Nous nous réjouissons le lendemain de vivre le temps de culte dans ce temple si chargé d’histoire ! La chorale chante C’est un rempart que notre Dieu, la pasteure, Agnès Lefranc, apporte la prédication du haut de la chaire monumentale, la fraternité s’exprime par quelques joyeux buongiorno, et surtout, nous vivons la joie de louer ensemble, au-delà des différences linguistiques, le même Seigneur.
Puis, il faut reprendre la route. Une fois passé le tunnel du Fréjus, une pluie battante nous accompagnera sur des centaines de kilomètres. Mais qu’importe ! Nous ressentons déjà une immense reconnaissance pour cette incursion en pays vaudois. Reste en nous le sentiment que nous faisons réellement partie de la même Église, qui ne connaît ni frontière ni langue, dont nous ne connaissons pas les contours, mais dont nous avons goûté avec délice la réalité : l’Église Universelle !

 

Michèle Bourgeois

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