Folles idées

Gouvernance de l’Église, des évolutions nécessaires

01 mars 2020

La gouvernance de L’Église protestante unie de France repose sur le système presbytérien-synodal. Il a fait ses preuves, et nous en sommes un fervent défenseur. Mais à l’heure des réseaux sociaux et dans un environnement où les modes de communication se sont profondément diversifiés, il nous semble nécessaire d’inventer des aménagements pour redonner du dynamisme à notre Église et lui permettre de rester dans le coup !

Synode national 2019 à Grenoble, la photo de groupe
© Service communication de l'EPUdF

La gouvernance presbytéro-synodale repose sur un équilibre harmonieux entre les différents niveaux de vie de l’Église protestante unie : local, régional et national. Lorsqu’une décision concernant la vie de l’Église locale doit être prise, le Conseil presbytéral (conseil local élu pour quatre ans) a toute légitimité pour décider sous le contrôle et la vigilance de l’assemblée générale de l’association cultuelle. Lorsqu’il faut agir au niveau régional, c’est le Conseil régional (élu pour quatre ans par les représentants des Églises locales de la région au cours du Synode régional) qui prend les décisions et met en œuvre les orientations du Synode régional. Enfin lorsqu’il s’agit d’un enjeu national, le Conseil national de l’Église protestante unie de France décide et agit en suivant les recommandations du Synode national (assemblée annuelle des représentants de toutes les régions).

Le principe de la soumission mutuelle

Plus encore, la gouvernance presbytéro-synodale repose sur le principe de la soumission mutuelle qui veut que, lorsqu’un sujet appelle un débat et une décision pour l’ensemble des Églises, ces dernières (après avoir débattu et donné leur avis) se soumettent aux décisions des Synodes régionaux qui eux-mêmes s’expriment par des résolutions et se soumettent finalement aux décisions du Synode national. Les résolutions du Synode national deviennent alors, pour toutes les Églises locales, l’expression commune des membres de l’Église et chacun est appelé à les accueillir et à s’y soumettre.
Le fonctionnement presbytéro-synodal est souvent décrit comme une « démocratie ecclésiale » qui permet aux membres des Églises de s’exprimer et de s’associer aux décisions. Mais c’est un peu court. Nous préférons l’expression « Christocratie ecclésiale » : chaque membre de l’Église accepte de se soumettre à l’autorité du Christ (Christocratie) dont la Parole et la Volonté s’expriment dans les assemblées d’Église (ecclésiales) réunies en son nom.

L’envers du décor

Le système presbytérien-synodal permet donc une gouvernance d’Église participative qui maintient le lien entre toutes les Églises locales, organise des solidarités et construit peu à peu, en dépit de sensibilités spirituelles et théologiques très diverses, un chemin de témoignage commun. Mais aux prix de lourdeurs et de lenteurs qui nous semblent aujourd’hui devoir être questionnées. En effet, pour que le système fonctionne, chaque échelon (local, régional, national) doit prendre le temps de l’appropriation et du débat afin que les voix du peuple de l’Église s’expriment et cherchent des convergences. À l’échelon local, il est aisé de rassembler et d’organiser des lieux de débats. C’est beaucoup plus compliqué en revanche à l’échelon régional et national. Et l’on se contente finalement d’un rassemblement annuel lorsque les Synodes régionaux ou nationaux se réunissent. Il faut donc une année complète pour qu’un sujet soit traité. Si cette lenteur a pour vertu de laisser le temps de la maturation et de la réflexion, elle a pour inconvénient de rendre très improbable la réactivité de l’Église lorsqu’un sujet de société ou une question brûlante d’actualité surgit.
Mais le handicap majeur est ailleurs : la gouvernance du système presbytérien-synodal ne permet de soumettre aux Églises qu’une question de fond par année. Or bien des sujets peuvent apparaître comme pressants et appelleraient un traitement plus rapide. C’est ainsi que notre Église a différé de trois ans la question des « missions de l’Église » au moment où le Défap (le service protestant de mission) appelait de ses vœux sa refondation pour 2021, avec des enjeux financiers qui pèsent sur les Églises locales.
N’est-il pas temps d’imaginer d’autres modes de débats et de prises de décisions dans l’Église protestante unie de France ?

Co-construction participative ?

Nous ne plaidons pas pour un changement de mode de gouvernance. Mais il nous semble urgent de nous intéresser aux multiples outils numériques qui permettent aujourd’hui d’associer le plus grand nombre de personnes à l’élaboration d’une décision. Les forums de discussions, les groupes numériques thématiques (avec des applications comme WhatsApp ou Discord, etc.), les webinar (en français webinaire, contraction des termes web et séminaire) c’est-à-dire des réunions collectives qui permettent un travail collaboratif, les documents partagés qui facilitent la co-construction de projets (chacun peut accéder au document par internet et y apporter sa contribution), etc.
On nous opposera que notre Église ne doit pas succomber à la tentation du « tout numérique » et qu’il faut tenir compte des générations qui ne sont pas familiarisées avec internet. Certes ! Mais rien n’empêche d’imaginer des rencontres d’échanges thématiques locales, des journées débats, des ateliers locaux de travail, complétés par des collaborations numériques et une mise en commun par le biais des outils numériques.
Les jeunes générations (certes de moins en moins nombreuses dans nos Églises) grandissent dans cette culture de l’horizontalité où chacun peut réagir, commenter, donner son avis, rediffuser, bref interagir ! Pour le meilleur et pour le pire… Mais justement, nos Églises pourraient être des lieux d’exercice ou d’apprentissage d’interactions participatives vertueuses.

L’élargissement des participants

Il y aurait encore un avantage à explorer ces nouveaux modes de participation : associer un nombre beaucoup plus important de membres d’Églises aux débats. L’expérience pratique indique que, dans nombre d’Églises locales, les sujets débattus ne dépassent pas le cercle du Conseil presbytéral. Tout au plus, parfois, un Conseil presbytéral « ouvert » donnant la possibilité à quelques personnes motivées de venir donner leur avis l’espace d’une rencontre. Mais nous sommes bien loin d’une expression collective élargie, et il n’est pas rare que la décision d’un Synode national apparaisse comme une surprise (voir même illégitime ?) pour beaucoup de membres des Églises locales qui découvrent a posteriori un sujet qui pourtant aurait dû être débattu (donc connu !) dans leur Église locale.

Légitimité des décisions

Reste l’épineuse question de la décision. Un débat d’Église qui ne passerait pas par les assemblées d’Église institutionnelles permettrait-il une prise de décision légitime ? L’autorité du Christ sur son Église peut-elle s’exercer en dehors des Conseils presbytéraux et des Synodes ? Assurément ! S’il nous semble nécessaire de confier aux instances établies et reconnues la responsabilité de décider et de parler au nom des Églises (en ce sens, elles exercent un ministère collégial), rien ne s’opposerait à ce que de nouvelles pratiques de débat soient suscitées en amont des prises de décisions. Cela nécessite un peu d’imagination, de créativité et de courage pour oser avancer sur ce terrain.

Guillaume de Clermont

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