Penser avec Pierre Gisel

Sortir le religieux de son confinement

01 juin 2020

Ce n’est pas d’ouverture des lieux de culte qu’il s’agira ici, illustration pourtant de la relégation des religions loin des activités vitales et productives…

La question du religieux réapparaît en ce xxie siècle, sous forme de propositions nouvelles – parfois dangereuses, parfois folkloriques –, mais aussi d’impensé culturel et politique tout aussi inquiétant. Dans son dernier livre, Sortir le religieux de sa boîte noire (Labor et Fides, 2019), le théologien Pierre Gisel, propose d’analyser le phénomène religieux dans une perspective transversale, critique, attentive surtout à ses dimensions sociales et historiques.

 

La religion répond d’une nécessité humaine

Reprenant à son compte diverses études du champ social, autour de la crise écologique, de l’addictologie, des mutations du monde du travail, il pointe avec justesse la folie du quantitatif, de l’autocentré, de l’uniformisation, de l’effacement de la décision personnelle. Ces « apories du social » mettent à bas l’idéologie progressiste du dépassement de la religion, et réinstallent celle-ci dans sa double tâche : « assurer une symbolisation du temps et de l’espace, s’articuler à ce qui se tient en excès de l’humain ». La religion répond en effet d’une nécessité humaine de reconnaître et de prendre en charge « ce dont on ne vient pas à bout, ce qui échappe ou résiste aux savoirs comme aux purs fonctionnements ».

Vérités sacralisées et incompréhension

Malgré son approche philosophique, l’auteur n’hésite pas à prendre position sur des enjeux contemporains majeurs. Il combat de front – mais toujours sur le fond – l’évangélisme comme la laïcité mal comprise, convoquant pour cela les notions de médiation, religion totale, tradition, communauté… Les vérités sacralisées n’aident pas les religions actuelles à être compréhensibles de l’extérieur ni à fournir un apport réel pour tous. L’intellectuel suisse plaide enfin pour une exposition à la différence – « les particularités étant les seuls lieux d’existence réelle individuelle et collective » – et contre toute injonction à l’intégration, communautaire comme républicaine.

Joël Geiser
Vienne-Roussillon-Saint-Vallier

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